Gros morceau auquel s'attaque Walter Salles et il se sera à moitié étouffé dessus! Bien sûr je ne suis pas complètement neuneue et je comprends parfaitement la nécessité quand on adapte un livre, surtout un truc aussi dense que Sur la Route, de faire des coupes et des sacrifices, le problème c'est qu'ici c'est complètement décousu. On a parfois l'impression qu'ils ont pris des pages au hasard, les ont adaptées mot pour mot sans chercher à établir de cohérence ou de continuité. Ainsi on a plusieurs personnages -qui se veulent folkloriques- qui débarquent comme des fleurs dans le récit, s'y arrêtent 30 secondes pour raconter leur vie et disparaissent comme ils sont arrivés sans laisser de traces (bonjour, merci, au revoir). Et ce choix, ce découpage presque échantillonaire serait pardonnable et même acceptable si encore les extraits choisis reflétaient l'esprit du livre, le message de Kerouac. Mais en quoi, par exemple, le passage chez Old Bull Lee est-il plus emblématique que toute la séquence à San Francisco avec Remi Boncoeur, si ce n'est pour pouvoir exhiber deux grands noms comme Viggo Mortensen ou Amy Adams? De la même manière, était ce vraiment judicieux d'accorder si peu de place à Terry et autant à Marylou ou Camille? Et je parle même pas du voyage au Mexique (enfin si en fait), qui est traîté par dessus la jambe, un peu comme si arrivés à la fin de leur pellicule ils s'étaient rendu compte qu'ils l'avaient oublié celui-là et qu'ils l'aient rajouté en catastrophe, histoire de (un bordel et un joint ça ira bien!). Du coup entre tous ces passages supprimés, ceux expédiés en deux temps trois mouvements, ceux traités superficiellement, c'est à se demander par quel miracle (ou sortilèges de nécromant) ils ont réussi à nous pondre un film de 2h20! Et puis le ton n'y est pas du tout: il faut plus que deux ou trois roulages de joints, et parties de jambe en l'air pour faire de l'anticonformisme! Et niveau subtilité c'est pas mieux: et vas y que je te colle des gros plans à répétition sur A La Recherche Du Temps Perdu, pour le côté intellectuel! C'est vraiment désolant, car il y a aussi du bon dans ce film, le casting par exemple. Sam Riley et Tom Sturridge sont parfaits dans leurs rôles respectifs, Kristen Stewart délivre une performance qui tient la route et surtout, Garret Hedlund prouve qu'il n'est pas qu'un (fort) joli minois et qu'il a tout à fait la carrure pour un tel rôle. La photographie est également un point de satisfaction, les lumineux paysages de l'Ouest Sauvage sont parfaitement mis en valeur. Reste que du coup de poing culturel qu'est cet épique road trip de Kerouac, on a fait une gentille balade digestive de dimanche après midi!