Spoilers !
Il suffit d'ajouter un seul chiffre à son titre pour dire quelque chose de l'essence du dernier film de J.J Abrams. Super 8 devient alors Super 80, et définit parfaitement la nostalgie émanant de cet objet cinématographique. J.J Abrams plante le décor de son film dans un pays des merveilles ( Alice est bien présente ) qui concorde parfaitement à un certain cinéma de l'époque en même temps qu'à une insouciance typique de celles et ceux qui n'ont pas encore seize ans. Le déroulement de l'action n'a en soi aucune exigence précise en matière d'époque, et le film aurait pu se passer de nos jours. Mais il y a dans le souvenir des années 80, véhiculé entre autres par un bon nombre de films produits à la même période, une absence de cynisme. Cynisme que le vingt-et-unième siècle n'a certes pas inventé, mais qui est beaucoup plus prégnant dans notre époque contemporaine. Ca n'est pas un hasard si le film fait le choix de la nostalgie - sans jamais paraître réactionnaire : à l'image de sa référence première, Super 8 est un cinéma du merveilleux. Comme chez Spielberg donc, mais celui d'il y a quelques décennies, où les extra-terrestres ne venaient pas détruire l'Amérique et déclarer la guerre à notre monde. Super 8 peut alors se voir comme une célébration de l'innocence, mais surtout comme un témoignage absolu de la puissance du cinéma. Mais plus que dans la mise en abyme et les films dans le film ( la caméra qui enregistre l'événement déclencheur de l'action n'est pas au centre du film, il n'a pas été réalisé par Brian de De Palma ), c'est dans la mise en scène que se manifeste le désir d'enchantement à l'oeuvre ici. En témoigne le choix d'une photographie à dominante bleue qui ne renvoie pas à du concret mais à une sorte de réel fantasmé. Et le paradoxe dans ce monde qui nous rappelle souvent sa matière factice, c'est que l'histoire qui s'y déroule est plutôt touchante.
Un des codes connus du film de monstre est de ne pas dévoiler l'apparence de la bête trop tôt, et de laisser ainsi aux spectateurs la possibilité de l'imaginer par ses propres moyens. Super 8 ne déroge pas à la règle, et laisse intacte sa science de la suggestion pendant une bonne partie de son déroulement. Mais la cause est ici différente de bon nombre d'autres films du genre : si on ne voit pas la bête au début, c'est parce qu'il y a déjà Elle Fanning et qu'on ne peut pas avoir deux extra-terrestres à l'écran en même temps. La belle Elle, dont il faudrait vérifier la carte d'identité ( autant de maturité dans le jeu, d'assurance, de personnalité et de charme ne sont pas possibles à cet âge-là ), déplace à elle seule les enjeux d'un film qui ne peut se contenter de n'être qu'une comédie d'aventures faisant revivre l'esprit des années 80. Car Super 8 n'est pas tellement un film de monstre, sinon le portrait délicat et attentionné de l'adolescence en même temps que la captation d'un des fondamentaux du septième art : voir la beauté. Le film met en place une certaine dichotomie qui résume plutôt bien le cinéma : que filmer entre le spectacle et l'être humain ? En jouant sur l'opposition de deux personnages tous deux amoureux de la même fille, J.J Abrams établit une ligne de divergence entre l'idée qu'il faut épater la galerie ( soit Charles Kaznyk et sa fascination pour le grand spectacle et les " grosses productions " ) et celle, plus pure, qu'il n'y a pas besoin de pyrotechnie pour réussir un film puisque la beauté d'une fille est un effet spécial qui suffit ( Joe Lamb ). Et malgré les effets déployés dans Super 8, J.J Abrams se rangerait dans la seconde catégorie. Ca n'est d'ailleurs pas un hasard si le film est dirigé par le regard de Joe, qui voit les choses avant et mieux que tout le monde, qu'il s'agisse de l'accident du convoi que Charles ne pressent pas ( il n'a pas l'instinct d'un réalisateur ) ou d'Alice, qui lorsqu'elle est vue par ce même Joe est plus jolie que jamais. Super 8 est en ce sens moins un film sur ce qu'il faut voir qu'une oeuvre qui dit l'importance du regard, et Abrams de poser une question importante s'il en est : pourquoi faire du cinéma ? La réponse est donnée de manière très simple par Super 8 : pour regarder les filles bien sûr, que la caméra magnifie comme aucun autre art.