Difficile de parler de Super 8 pour quelqu'un de ma génération qui a eu la mauvaise idée de naître juste après cette époque faste pour se manger toute sa vie de la récession, de la morosité et tout les trucs négatifs du monde hypermoderne. Néanmoins, comme c'était pas trop longtemps après, je ne vous fait pas dire qu'E.T. & Cie c'était encore le must des films "pour enfants", et que tous ces aventuriers en herbe je les connaissais de vue. C'est donc avec un plaisir fou, une émotion incalculable que sur la pellicule, défilait les films qui ont fasciné l'enfant que j'étais, et, le temps d'une séance, que j'ai continué d'être.
Super 8, avant d'être un film c'est une ambiance, ce n'est pas un retour en arrière, c'est comme si ce passé regretté ne s'était jamais enfui et qu'il était toujours temps d'aller le retrouver pour peu qu'on s'en donne la peine. Un appel à des coeurs d'enfants à qui la vie fait croire qu'ils sont adultes. Super 8 est un film inspiré, au sens de référentiel, mais inspirant aussi, il cherche à toucher quelque chose en vous ( une madeleine de Proust en gros ) et il y parviendra pour ceux qui sauront répondre présent. Pour ceux là l'aventure sera belle, remuant des souvenirs d'aventure, une bande de pote qui pourrait être la notre : le gros, le râtelier géant sur lequel le train n'aurait pas déraillé, le peureux, et toi bien sûr t'es le normal, Joe, qui se fera la blonde dans un avenir prochain... Pour les autres, tout ce qui ne sauront pas touché par l'effet nostalgie de Super 8, qui verront le film comme il verrait n'importe quel autre, il restera quand même un bon divertissement parfaitement maîtrisé ( la scène du train est un modèle du genre ). Alors bien sûr il y a quelques scènes superflus, une scène qui manque à mon goût, un final sans emphase, puis les défauts de J.J. Abrams, ici plus excusable que sur le projet Cloverfield car correspondant à une imagerie un peu kitsch.
Y-a t'il plus bel hommage au cinéma que de le rendre aussi essentiel qu'il ne l'est dans Super 8 ? C'est réellement le personnage principal. C'est un échappatoire pour l'enfant qui a perdu sa mère, ou même aussi le moyen de se l'imaginer encore vivante, c'est le sens même de la vie pour le jeune cinéaste en herbe qui veut finir son film par delà les incidents à répétition qui lui crient le contraire. Abrams ne fait pas qu'un film, il ne rend pas hommage qu'au 80's, il explique surtout pourquoi le cinéma des 80's représentait en quelque sorte une définition des plus satisfaisantes du 7eme art en général. C'est parce qu'il était dominé par l'imagination, qu'il permettait de colorer une vie trop grise, qu'il filmait des gens comme tous les autres, des gens ordinaires vivant des situations extraordinaire ( pour reprendre l'expression consacré au fameux Rencontre du 3eme Type ).
C'est un cinéma qui personnellement m'avait manqué, que je croyais ne jamais revoir. J'en suis sur Super 8 est un film qui va rester, peut être pas parfait mais en s'imposant de la sorte comme symbole d'une génération qu'on croyait trop vieille, il nous montre que les rêves n'ont pas d'âge. Il restera un des films les plus importants de ce début de décennie, celui a rappelé que le cinéma ça ne fait pas que filmer la vie, c'est la possibilité de la créer aussi, de la réanimer certainement. Un cinéma qui donne envie de faire du cinéma, une aventure où chacun est en mesure de projeter la sienne, formidable parenthèse pour celui qui voudra bien y plonger, corps et âme, le coeur à l'ouvrage.