J'ai un préjugé sur J. J. Abrams. En bien. Qui est ce réalisateur qui n'a fait que du Star Trek et du Star Wars (sauf Mission Impossible 3 et Super 8), qui en a fait des trucs bien, et qui est adepte des vieilles techniques dans un monde où le virtuel, au cinéma peut-être plus qu'ailleurs, est roi ? J'attendais beaucoup de Super 8 parce que le film est de loin sa création la plus intimiste : ses personnages sont nés la même année que lui (1966) et pratiquent le cinéma amateur, comme lui. C'est aussi une idée originale. Avec en prime une quasi-co-réalisation avec Spielberg, ça ne pouvait être que bien !
Premier sentiment : la direction d'acteurs est balèze. Les interprètes des enfants sont nés aux alentours de 1997, et deux d'entre eux signent là le début de leur carrière. JJA assure complètement en tant que leur guide. La nostalgie est palpable quand il fait dire au personnage du shérif « Kids walking around with their own stereo is just what we need... It's a slippery slope my friend » (« Des gamins avec leur propre stéréo, c'est bien ce qu'il nous faut... C'est une pente glissante, mon ami »). En une petite phrase qui fait figure d'allusion au monde moderne, le contexte est bien placé sur ses gonds, et un monde kinguien s'ouvre comme une faille temporelle. Faille qui se referme assez vite parce que Super 8 demeure une superproduction, et l'intimisme de JJA bouffe toute la place pour une quelconque autre sorte de simplicité.
Or il aurait fallu de la place pour les attaches affectives : les parents, le chien perdu... Ces aspects sont assez négligés, et il manque la pierre émotionnelle à ce scénario qui démarrait bien. En nous replongeant décemment dans l'atmosphère du cinéma et des towns des années 70, Super 8 retombe aussi dans les clichés de l'horreur de l'époque, ce que JJA semble contrebalancer par une utilisation à outrance des screamers coupant la parole aux personnages. Cela arrive au moins quatre fois et n'apporte pas grand-chose.
L'empathie policière, bien faite et campée par le deputy superaméricain de Kyle Chandler, est en proies aux attaques de la bourrinitude militaire, mal faite et interprétée en premier lieu par Noah Emmerich. La seconde l'emporte malheureusement, et il n'y a pas besoin de chercher bien loin pour comprendre pourquoi : le film devient une zone de guerre, un quasi-survival où les gamins vont jouer, là aussi, l'horreur à outrance. Énième clin d'œil aux années 70, sans doute, mais cela dépasse le seuil de l'inutilité. Le duo d'enfants courageux, l'un leader hors-pair, l'autre artificier, laisse clairement à désirer, et le manque total d'originalité de la conclusion nous laissera sur notre faim d'un film qui aurait été fidèle à son entrée.
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