Qu’on se l’avoue ou pas, le plaisir de retrouver l’agent 007 est bien réel. L’attente provoquée par l’annonce des prochaines aventures de Bond lors du générique de fin de "Bons baisers de Russie" s’en retrouve satisfaite. Par le biais de "Goldfinger", la saga « James Bond » prend une autre dimension. A l’occasion de cette troisième adaptation, après le sixième roman mettant en scène James puis le cinquième, c’est le septième roman de Ian Fleming qui est mis à l’honneur. Sean Connery revêt le costume de 007 pour la troisième fois, Lois Maxwell celui de Miss Moneypenny pour la troisième fois également, Bernard Lee incarne « M » pour la seconde fois après avoir commencé par un personnage différent lors de l’épisode Dr. No, et Desmond Llewelyn réendosse le rôle de « Q », pour la deuxième fois lui aussi. Sauf que tout ce petit monde est cette fois dirigé par Guy Hamilton, Terence Young ayant quitté le navire pour une sombre histoire de désaccord financier. Sûrement une question de salaire, car "Goldfinger » bénéficie d’un budget égal aux deux films précédents réunis ! Alors on peut davantage soigner les effets sonores (Norman Wanstall se verra d’ailleurs octroyer un Oscar), passer la vitesse supérieure sur les voitures et les gadgets, les deux faisant ici la paire. Voici donc la plus célèbre des voitures que James Bond ait eu à conduire, l’Aston Martin DB5. Un modèle si mythique que j’en ai moi-même possédée une… quand j’étais gosse ! Ah ben hein vous ne croyiez tout de même pas que j’en avais eu une pour de vrai, tout de même ? Non, là c’était un modèle réduit. Mais ce véhicule-là contribue à donner plus de dimension aux films James Bond. On peut le noter dès le générique de début, puisque "Goldfinger" est le premier Bond qui bénéficie d’un thème introductif chanté. J’ignore qui a eu cette idée lumineuse, mais le fait est que la voix et la puissance vocale de Shirley Bassey produisent leur effet, d’autant que les vocalises sont posées sur le thème de John Barry, certes réorchestré pour l’occasion. Cela ne veut pas dire que nous perdons le pré-générique habituel, non. Mais avec une telle chanson, ça annonce l’air de rien quelque chose de plus costaud. Et assurément, on a là quelque chose de plus costaud. Dans tous les domaines. Déjà on a beaucoup moins de défauts de montage. Les faux raccords ont quasiment disparus. Il en va de même pour les incohérences. Pourtant, j’étais prêt à crier haro sur ce film en voyant tomber les gens comme des mouches alors que l’avion passe tout juste au-dessus d’eux. D’autant qu’après, on voit des poules se promener tranquillement au milieu des corps inanimés. Là on sait qu’il y a quelque chose qui cloche mais patience ! L’explication viendra plus tard. En attendant, on notera une évolution dans le personnage de cet éternel charmeur qu’est James : non seulement on le voit plus en action que jamais (et ça commence par la tenue de plongeur magnifiquement camouflée par un palmipède, mais en plus c’est la première fois qu’on voit son cœur vaciller. Pourtant, le joli cœur a de quoi satisfaire son besoin irrépressible de charmer, puisque les James Bond girls sont plus nombreuses, notamment par rapport au film précédent. Ainsi, ce sont tour à tour la yougoslave Nadja Regin (Bonita la danseuse au Mexique), Margaret Nolan (Dink, la masseuse de Miami), les britanniques Shirley Heaton (Jill Masterson, l’assistante de Goldfinger) et Tania Mallet (Tilly Masterson), et enfin l’anglaise Honor Blackman qui nous ravit de ses décolletés. A propos de ces décolletés, c’est à peu près la seule décision qu’on approuve de la part de Goldfinger, bien qu’inconvenante il faut bien l’admettre. Toutes ne tomberont pas cependant dans les bras de l’irrésistible espion. L’une d’entre elles n’en aura pas le temps, surtout qu’elle avait autre chose à penser. C’est même d’ailleurs par elle que le légendaire charme de Bond se voit égratigner une première fois. « Je m’appelle Bond, et vous ? J’ai pas de temps à perdre » répond-elle. Trop marrant. Une autre saura résister, égratignant pour la seconde fois l’irrésistiblerie de Bond. « Arrêtez votre numéro de charme ». Et bim ! Mais pas de quoi ébranler l’homme. Les femmes, pour lui, ça va ça vient. Le scénario est plus fourni. Sans doute est-ce dû au fait que Ian Fleming, alors à son septième roman bondesque, a étoffé davantage ses personnages, tout du moins les principaux. C’est le cas d’Auric Goldfinger. Franchement, le dirigeant du Spectre pourrait en prendre de la graine, tant ce Goldfinger parait plus inquiétant encore que les adversaires passés de 007, l’allemand Gert Fröbe ayant su interpréter son rôle-titre avec beaucoup de justesse, en faisant preuve de légèreté à l’encontre de ceux qui pourraient contrarier ses plans. Quant à Sean Connery, il semble désormais s’être bien installé dans ce rôle, se laissant aller quelquefois à quelques mimiques savoureuses. "Goldfinger" est donc bel et bien le meilleur des trois premiers films. Un méchant d’une autre carrure (et ce n’est pas que physique), un Sean Connery qui se bonifie, un budget de plus en plus conséquent amenant plus d’action, et moins d’erreurs techniques. Personnellement, à l’époque, j’aurai signé pour un quatrième film, d’ailleurs annoncé lors du générique de fin. Et comme pour rattraper le temps perdu (enfin si j’ose dire puisque je n’étais pas né), je vais continuer à visiter cette saga très rapidement.