Documentaire ou fiction ? C'est la première question que nous sommes amenés à nous poser à la fin du générique. Si tout laisse penser, dans l'organisation du film et dans sa conclusion, qu'il s'agisse bel et bien d'un documentaire, de nombreux points semblent relever de la mise en scène et être intégrés volontairement à l'histoire. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas le plus important, de savoir si cette histoire est vraie ou non, tant les personnages sont justes et touchants.
Tout part d'une relation à distance qu'entretient un certain Nev, localisé à New-York, avec une famille vivant dans le Michigan. Impressionné par le talent d'artiste peintre de la petite fille, Abby, Nev va se mettre à entretenir un contact régulier avec ces personnes. Une romance ambigüe se créer rapidement entre lui et la grande soeur d'Abby, Megan. Les premières minutes du film s'avèrent alors classiques, relatant d'une histoire apparemment sans grand intérêt. Le gentil Nev monopolise l'écran en se révélant à la fois empathique et agaçant, par sa joie de vivre démesurée (oui, on peut ne pas aimer).
Mais, une fois ce début en dents de scie écoulé, l'histoire prend une tournure qui devient passionnante, et le film ne cesse de devenir oppressant au fil des minutes. Allant de surprises en surprises, le long-métrage se base sur cette appréhension très réaliste des évènements pour donner l'impression aux spectateurs de vivre l'aventure auprès des personnages. Le manque de moyens des réalisateurs renforcent par ailleurs cette impression. Les doutes qui planent autour de l'intrigue qui se veut de plus en plus angoissante, donnent raison aux réalisateurs de continuer à filmer leur périple. L'étonnement passé, vient l'incompréhension, qui mêle indignation et humour, comme Nev et ses amis nous ne savons plus quoi penser. Doit-on en rire ? Doit-on en avoir peur ? Doit-on absolument découvrir la vérité ? ...
Le pouvoir des réseaux sociaux se retrouve alors mis en avant, et en dévoile la potentielle dépendance des êtres humains ainsi que les risques qui y sont liés. Lieu d'évasions, réelles ou mensongères, qu'on ne sait plus comment appréhender. La réussite de Catfish est donc de ne pas tirer volontairement sur un phénomène (Facebook), mais de révéler la nature même des individus, qui veulent tous avoir droit au rêve et au bonheur, quitte à tricher pour cela. D'abord dans le rejet, comme les personnages, nous allons finalement essayer de comprendre. Plus que de s'intéresser au simplet support, qui est Internet, le film s'intéresse aux personnes qui se trouvent derrière, et c'est cela qui donne un côté à la fois honnête et humaniste à toute l'histoire.
Si la fin s'appuie peut-être trop sur l'aspect mélodramatique, elle reste tout de même particulièrement marquante, tant nous sommes amenés à changer complètement de comportement, pour trouver une part d'humanité et une part de tolérance, enfouies au plus profond de nous, qui ressurgit au galop. En réalité, nous sommes livrés aux mêmes changements que peut rencontrer Nev. Il n'y a donc que du positif qui se dégage d'un final qui aurait pu se vouloir très pessimiste, mais qui au contraire apporte une vision différente, plus pure et plus appréciable.
Plus qu'un film dénonciateur d'une quelconque tare de la société, c'est un film profondément humain, à contre-courant avec l'ère du temps. Le résultat est agréable, grâce à la complicité qui va s'instaurer entre le public et tous les personnages (et j'insiste bien sur le terme "tous"), il mérite pour ces points là le coup d'oeil. Film ou documentaire, cela ne devient finalement que futilité au vu des vrais messages qui en transparaissent, cela ajoute même une part de mystère qui est la bienvenue.