Roland Emmerich, le cinéaste allemand le plus américain d'Hollywood, a encore frappé. Ces dernières années, le bougre avait sérieusement du mal à se renouveler, plongeant dans le destruction porn de plus en plus grandiloquent mais paradoxalement de moins en moins fantaisiste. Pourtant il faut reconnaître qu'il a voulu s'essayer à des films plus modestes depuis les années 2010 avec son Anonymous et Stonewall, des films à plus petites échelles aux ambitions "artistiques" plus prononcées, mais sans pour autant se montrer concluant dans son approche. Ce qu'il aime au final, c'est faire exploser toute sorte de chose et il aime surtout le faire dans de la bonne grosse science-fiction, sa passion de toujours. Dans le genre, il est même parvenu à marquer le cinéma des années 90 avec ce qui est encore à ce jour, ses deux films les plus cultes, Stargate et Independence Day. S'imposant en véritable maître du cinéma régressif sans pour autant s'attirer les faveurs des critiques professionnelles mais en parvenant à fédérer un public friand de grosses productions aux seconds degrés prononcés et aux univers grandiloquents. Il est même à sa façon devenu un des pères du blockbusters modernes, pour ce qu'il a de meilleur et de pire, sauf qu'il est désormais étouffé par sa propre création et ne parvient plus à se démarquer de ce qu'il a engendré. Et c'est donc face au déclin de son propre cinéma, qu'il décide de revenir à la source de sa gloire pour offrir la suite de son plus gros succès.
La première scène du film ferait presque illusion. Musique inquiétante, plan séquence vertigineux qui nous mène dans l'immensité de l'espace, apparition théâtrale du titre, voix-off lointaine, tout les éléments sont là pour nous immerger totalement en quelque secondes à peine et promettre un grand moment. Puis survient un cut brutal qui nous entraîne sur Terre, et là, la catastrophe commence à tout les niveaux. Ce qui frappe tout d'abord, avant même la mise en place de l'intrigue, c'est les personnages. Aucun n'est crédible et ils ne sont que des stéréotypes que l'on nous sert dans la majeure partie des blockbusters, sauf qu'ici cela est poussé à l'extrême. Leurs introductions respectives - car il y a beaucoup de personnages à suivre - sont longues et laborieuses en raison de la construction trop mécanique du premier tiers. Le film perd énormément de temps sur ça et place dans le récit ses protagonistes sans parfois liens logiques dans la façon de les introduire. De plus, ce sont clairement des personnages "fonctions", certains ne sont même pas là pour avoir une personnalité mais juste pour être la caricature du sidekick qui envoie des punchlines censées être drôles. Un humour très lourd par ailleurs, qui ne bénéficie d'aucune inventivité tombant systématiquement à plat. Ces personnages ne sont pas non plus aidés par des dialogues aberrants qui sont soit là pour faire du discours bien pompeux soit pour faire de l'exposition forcé, les protagonistes appuyant dans leurs échanges des tensions lié à un passif commun pour les notifier aux spectateurs mais c'est amené avec tellement peu de subtilité que ça en est trop gros. On a l'impression qu'ils récitent une leçon apprise par cœur pour rappeler l'état de leurs relations, chose qu'ils ne devraient pas faire parce que techniquement ils sont censés connaitre ce qui les lient, l'expliciter de la sorte est contre-productif et ridicule. Surtout que cet aspect n'est pas amoindri pas un casting incompétent au charisme global proche d'un bulot. Les jeunes sont totalement à la ramasse qu'ils surjouent comme jamais tandis que les anciens semblent n'en avoir rien à faire. Même Jeff Goldblum, acteur au fort capital sympathique, ne croit pas à l'entreprise et se contente de s'amuser comme il peut en totale roue libre.
Les choses ne s'améliorent pas non plus quand on se penche sur l'intrigue globale du film. Elle se montre assez classique et souffre surtout de sa prévisibilité mais c'est dans sa manière de diviser son récit que le tout peine. Les personnages formant petit à petit des groupes et chaque groupe ayant des sous-intriguent spécifiques avant que tous se regroupent lors du climax. Sauf que certaines sous-intriguent et personnages, sont inutiles. A tel point même que si ils ne faisaient pas partie du long métrage, celui-ci se verrait quand même inchangé ou au moins pas totalement bouleversé. Tout ce qui concerne le père du personnage de Goldblum est par exemple dérisoire. Le personnage étant dans une sorte de road trip déconnecté de l'intrigue et qui n'a aucun but valable. Même constat pour une séquence se passant à l'intérieur d'un vaisseau alien, qui aurait pu être intéressante si elle avait exploiter l'aspect écosystème de l'endroit pour virer dans le survival, mais qui n'est qu'une digression qui atteint le summum du ridicule lorsqu'un des personnages urine devant les aliens pour attirer leurs attention. C'est déplorable mais d'une certaine manière c'est en ça que le film devient savoureux, dans la manière qu'a Roland Emmerich de ne se refuser aucun excès. On se retrouve plongé dans une oeuvre over the top qui n'a pas peur du ridicule et qui s'y plonge même la tête la première. C'est dans cette médiocrité et ce sérieux inébranlable à faire n'importe quoi, que le tout prend son titre de formidable nanar. On ris beaucoup, pas pour les bonnes raison évidemment, mais il est rare de voir un blockbuster aller aussi loin et ne même pas essayer de se fixer des limites dans le mauvais goût car certaines séquences sont indescriptibles tant elles tirent vers le n'importe quoi le plus complet. On reste admiratif devant le fait que le film ne réussit en rien et surtout n'accomplit rien, tout n'est qu'échec le plus total qui annonce dans une dernière scène magnifique de niaiserie et de candeur, un troisième opus encore plus improbable.
On regrettera par contre que Roland Emmerich n'ait pas fait preuve de la même fantaisie lorsqu'il a mis son film en scène. Alors qu'il met le paquet en terme d’imbécillités gargantuesques dans son scénario, il reste bien sage dans sa manière d'aborder la mise en image. Les séquences d'actions sont génériques au possible car reproduisent des choses que l'on voit depuis maintenant plusieurs années dans les blockbusters lambda. Le cinéaste refaisant même des scènes du précédent film et plagie quelques plans ici et là, la scène d'action finale rappelant par moments la scène d'assaut des arachnides sur l'avant poste Whiskey dans Starship Troopers. Il prouve qu'il manque clairement d'inventivité ses derniers temps et c'est un constat qui ne va pas en s'améliorant. Car ici, sa mise en scène manque aussi de maîtrise, alignant les faux raccords et les incohérences comme une gestion du temps catastrophique. Le climax prenant la forme d'une course contre la montre, il limite son action à 12 minutes qui paraissent en être 40 enlevant tout enjeux à la scène. La faire en temps réel aurait été plus judicieux. D'ailleurs il a beaucoup de mal à maintenir une forme de tension et de poser des enjeux digne de ce nom, certaines scènes devenant presque malaisante dans leur gestion. On pense ainsi à la mort d'un personnage sur le toit d'un immeuble en train de s'effondrer dans un passage tellement téléphoné et mal fait que l'on ne peut que décrocher un rire jaune devant un manque si flagrant de savoir-faire ou un élan de fainéantise, ici c'est difficile à trancher. Au milieu de cette bouillie filmique, on retiendra peut être l'arrivée des extraterrestres au sein d'une scène assez grisante mais aux effets spéciaux parfois peu convaincants - ces derniers n'étant pas franchement les plus impressionnants que l'on ait pu voir - et on pourra aussi prendre un certain plaisir à écouter les compositions musicales totalement outrancières qui accentuent au maximum le patriotisme pompeux du film. Grâce à ça, le côté nanar est vraiment poussé à son paroxysme, ce qui fait assez souvent sourire.
En conclusion, Independence Day: Resurgence est le plus gros nanar de ses 15 dernières années. Pourtant quelques jolies perles en la matière ont émergées ces derniers temps, mais aucune n'allant aussi loin que la dernière extravagance de Emmerich. Ici rien ne va, et ce qui est encore plus beau c'est que tout le monde semble n'en avoir rien à faire et continue leur film comme si tout était pour le mieux. On se demande même comment un tel film peut arriver sur nos écrans alors qu'il est digne d'une production Asylum. Le tout est bien trop long - vu l'inutilité de certaines scènes ont aurait pu avoir un film plus court d'au moins 20 min - et bien trop stupide qu'il nous plonge dans un état catatonique et on en vient à se demander qu'est ce que l'on a vu, une fois que tout est fini. Le scénario donne dans le too much et la crétinerie, le casting est calamiteux et la réalisation n'a aucune maîtrise ni envergure, on est face à un ratage magnifique qui saura créer l'hilarité d'une bande de potes venue se moquer allègrement des valeurs pompeuses transmisses par cette régurgitation en bonne et due forme de tout ce qu'il ne faut pas faire quand on veut se lancer dans le cinéma.