Il est toujours très difficile pour un réalisateur de prendre la relève d'un autre metteur en scène pour réaliser le nouvel opus d'une saga qu'avait débuté le premier metteur en scène. Il s'agit de doser parfaitement le fait de garder l'esprit, le même univers que le premier film tout en sachant y imposer sa patte afin de ne pas passer pour le bouche-trou qu'à trouver le studio de production. Le cas Kick-Ass 2 est surement l'exemple le plus récent et le plus probant de la difficulté à succéder à un excellent réalisateur (dans ce cas-là, Matthew Vaughn) pour mettre en boîte une suite, ainsi, le tâcheron Jeff Wadlow avait réussi l'exploit de bien cracher à la gue*le de l'excellent premier épisode, en détruisant tout ce que Vaughn et son équipe avait construit (la relation entre Dave et Katie en tête) mais en plus de faire un très mauvais film lorsqu'on le prenait à part à cause d'une mise en scène digne d'un téléfilm passant sur M6 un mardi après-midi et d'incroyables maladresses et clichés scénaristiques faisant passer Paul W.S. Anderson pour un génie de la cohérence (coucou la saga Resident Evil).
Ici donc, c'est un réalisateur inconnu qui prend la relève du talentueux Zack Snyder, Noam Murro, un seul film à son actif mais (et là ça fait toute la différence) reconnu dans le monde de la publicité tout comme l'était Snyder à l'époque de 300 (qui rappelons-le, avait également qu'un seul film à son actif, le remake de Zombie de Romero : L'Armée des Morts). Le milieu publicitaire est un peu ce qu'on pourrait appeler un centre de formation pour des réalisateurs, à l'instar du monde du clip qui a former de futur excellents metteurs en scènes tels que Michel Gondry et Marc Webb (du côté des clippers (ne pas prononcer le S, on ne parle pas de l'équipe de basket)) ainsi que David Fincher et Guy Ritchie (du côté de la publicité).
On pouvait donc espérer que Murro ne salisse pas trop le film de Snyder, à juste titre puisqu'au final ce 300 (titre qui n'a plus de sens, à part faire la connexion avec le premier film) se révèle aussi divertissant que le premier, moins réussi, mais tout aussi fun. Le réalisateur dose parfaitement entre garder le même univers et imposer son empreinte en se détachant de la mise en scène de son prédécesseur tout en gardant la même base du monde fantasmé créé par Frank Miller (co-scénariste de cet opus et dont le comics nommé Xerxès, contant la même histoire que La Naissance d'un Empire, n'est pas encore sorti). Le choix artistique de l'équipe du film diverge grandement avec 300, fini le ciel jaune, place au bleu très foncé mais surtout fini les contrastes et les jeux d'ombres sur-accentués du précédent volet au profit d'un plus grand réalisme (si on peut appeler ça comme ça), la volonté n'est plus de faire dans le classe ni dans le beau (même si quelques plans se démarquent par le soin qui leurs est apporté) mais dans le brutal et le sanglant. La fascination pour le corps en mouvement, alors mis en valeur par des ralentis / accélérés de toutes beautés n'est quasiment plus présente et la mise en scène adopte un style plus classique, mais non moins réussi. Le classicisme se ressent également dans les personnages, les deux principaux restant les plus réussis de tout le film, les secondaires n'étant pas du tout approfondis et en plus joué avec une grande fadeur (et puis le coup du père qui désapprouve le fait que son fils s'engage dans la bataille, c'est un peu trop un redit de 300). Avec le long-métrage de Snyder, on se souvenait aisément de protagonistes pétant la classe et t'envoyant une punchline à la minute, Fassbender en tête, de loin le spartiate le plus fou d'entre tous, la relation père / fils était également plus forte que celle présente dans La Naissance d'un Empire, servant tout juste à... rien. Autant de personnages forts absents de ce deuxième volet. On retrouve à de rares reprises le borgne (dont je ne me souviens plus du nom), la reine Gorgo (joué par l’agaçante Lena Headey) ou encore le dictateur le plus gay de l'histoire de l'humanité : Xerxès.
C'est donc du côté des principaux qu'il faut aller chercher son lot de consolation, maigre lot de consolation, surtout concernant Thémistocles joué par Sullivan Stapleton (qu'on avait vu dans le chef d'oeuvre Animal Kingdom), trop fade et nous rappelant à de trop nombreuses reprises que Gerard Butler est un p*tain d'acteur qui a seulement eu la malchance de choisir les mauvais rôles. Mais encore une fois, nous sommes dans une optique de changement avec le film de Snyder, si le personnage de Stapleton paraît si fade c'est simplement parce qu'il n'est PAS Leonidas, le roi de Sparte était un colérique méchamment classe alors que Thémistocles a un esprit plus posé, le comportement d'un stratège, qui préférera toujours les pourparlers à la baston véritable. Des pourparlers se barrant parfois rapidement en cou*lles comme lors de cette scène de sexe, qui a fortement fait parler d'elle tant elle fut considérée inutile et incohérente avec ce que le film racontait. Mais si on peut lui reprocher d'être mal amenée et tournée un peu trop beaucoup au ridicule, on ne peut lui reprocher son apport à l'histoire, si mince soit-il. Cette scène a pour but de montrer que, premièrement, les pourparlers, censés être des échanges diplomatiques sont en réalités aussi violent et vicieux que le front des batailles et que deuxièmement, cela met en place (très maladroitement) une relation d'amour haineux entre Thémistocles et Arthémise un peu à la manière de Niki Lauda et James Hunt (parallèle plus que discutable...) dans la vraie vie et dans Rush de Ron Howard, il est plusieurs fois mentionné qu'Arthémise voudrait que Thémistocles soit dans son camp (c'est d’ailleurs le point de départ de la scène de c*l) tant celui-ci est bon stratège, il se dégage un respect mutuel derrière cette façade de violences entre ces deux protagonistes. Le personnage d'Arthémise est le mieux traité et le mieux joué par Eva Green, qui a dû prendre son pied (dans tout les sens du terme) à l'incarner tant le résultat à l'écran est un mélange parfait de cruauté et de surenchère.
La narration est également à l'image du reste, beaucoup plus classique que dans 300, on alterne les séquences de batailles et de dialogues pendant 1h40 alors que le fil narratif était beaucoup plus décousu dans le film de Snyder, pendant 30 minutes, on assistait à des scènes dialoguées puis lorsque venait la baston, elle ne quittait plus le film sauf lors de très courtes séquences politiques. Moins de risque dans le lieu également puisque le film en alterne à de nombreuses reprises alors que 300 se déroulait exclusivement dans chemin étroit.
Du côté de la musique, on a le droit a du lourd puisque le compositeur Junkie XL nous pond une musique XXL (vanne très mauvaise) à coup de tambours et sons crées à l'ordinateur, plus rythmique que ça, on fait pas.
300 La Naissance d'un Empire est donc un divertissement tout ce qu'il y a de plus jouissif, qui mélange tout les ingrédients pour réussir un bon blockbuster violent jusqu'à l'overdose de sang numérisé et moche (faudrait leurs dire que le sang n'a pas la même texture que la gouache). Seul la fin déçoit, à cause d'un clifhanger bien pourri, du même genre que celui se trouvant dans 300 (la façon dont le film est conté par la voix off et la façon dont le film se termine est exactement la même pour les deux films) sauf qu'en ne s'y attendant pas du tout, le long-métrage nous prive d'une bataille qui s'annonçait gigantesque.
Très divertissant mais qui ne casserait pas 300 pattes à un canard.