Toutes les promesses, Scream 2 les remplit dans son ouverture. Un exercice de style virtuose doublé d'une charge très violente envers Hollywood qui dénature les vraies horreurs pour en faire des produits bas du front à l'adresse d'un public aux aspirations à peine moins irresponsables. Le constat s'adresse aussi bien à la franchise consacrée à Ghostface qu'aux émules bien décidées à surfer sur la vague maintenant que le slasher est redevenu cool. Un an seulement après le triomphe du premier, Wes Craven et Kevin Williamson sentaient déjà le vent tourner. Cette introduction est l'occasion rêvée pour remettre les points sur les i. Pendant onze minutes, on feint la répétition pour mieux subvertir l'original, en cassant les codes (lieu public, le masque du tueur sur tous les visages) et le quatrième mur au passage pour s'achever avec un plan final aussi cruel que déchirant. Vous êtes venus vous amuser ? Ça tombe bien, le second volet a bien envie de s'éclater à vous secouer les puces.
Retour à Woodsboro, retours de Sidney, Gale, Dewey et Randy, seuls rescapés du massacre chez Stu Macher. On prend les mêmes et on recommence ? Oui et non. La grande force du premier, c'était le regard post-moderne sur le genre que son auteur diffusait à travers ses personnages. Une dimension qui s'accentue considérablement avec la suite, puisque les héros se positionnent verbalement comme de simples rôles au sein d'une intrigue dont ils doivent deviner les tournants (mortels). On potasse ses classiques, on révise les commandements de la séquelle réussie tout en questionnant la nature de ce qui se joue : Folie meurtrière ? Fantasme de notoriété ? Furie vengeresse ? Si tout cela ne suffisait pas, Scream 2 enfonce le clou avec un dernier acte hautement symbolique posant le méchant comme metteur en scène de son propre spectacle. L'idée est parlante, elle achève de retourner les arguments anti-Scream (apologie de la violence, cynisme) contre leurs auteurs. Le revers de la médaille, c'est que ce haut degré de conscience s'exprime de manière trop littérale dans un final assez embarrassant. Mais on verra ça après.
Pendant un moment, c'est très bien. Les retrouvailles avec la quatuor original sont très chaleureuses. On reste protecteur à l'égard de Sidney, on s'amuse toujours avec le très cinéphile Randy et on adore regarder Gale et Dewey se bouffer le nez. De toute évidence, ils restent les vedettes. Par conséquent, les seconds-rôles n'existent que pour être sacrifiés. Alors attention, on trouve quand même un bon Timothy Olyphant et Sarah Michelle Gellar (en voie de starisation avec Buffy) se paye l'un des meilleurs moments du film. Ce qui nous donne une bonne heure parfaitement ordonnée entre phases d'expositions, fausses pistes, meurtres et retournements qui vous la coupent. Arrive le reste du film...
Il est impossible de lui retirer quelques belles idées de mise en scène (l'inversion du point de vue entre proie et chasseur, par exemple). De plus, on ne peut occulter les réécritures pendant le tournage suite à des fuites. À quel point cela a-t-il affecté Scream 2 ? Pas la peine d'être un fin limier pour trouver de nombreuses incohérences et grosses ficelles dans la deuxième moitié. Les délais imposés ont pu également contraindre Wes Craven à sortir une version d'essai, j'en veux pour preuve le recyclage de morceaux piochés dans la bande originale de Broken Arrow, qui détonnent complètement avec le reste. Ce qui ne change rien à la partie résolution, de loin la plus faiblarde des deux heures, avec ce numéro théâtral digne d'une mauvaise parodie. Passons la fable méta où les personnages fuient un monde ivre de sang et de reconnaissance, le fait est que cet épilogue - en plus d'être insensé - entame la crédibilité de ce que raconte le film.
Déception mesurée, car les idées y étaient. On les retrouve en condensé dans l'introduction. Ensuite de manière anarchique avant que le ballon de baudruche fasse pschitt. L'honneur est sauf, et ça on le doit surtout aux comédiens/-nes en osmose avec leurs personnages (mention spéciale de Courtney Cox, formidable tête-à-claque). Scream 2 est un joli cas d'école, plus intéressant dans son propos que dans sa manière de le déclamer. En se posant à la fois comme prévenus et juges, Wes Craven et Kevin Williamson prophétisaient le déclin de l'épiphénomène slasher, voué à être acculé dans les impasses scénaristiques ou réduits à des plaisirs avilissants. En étant tout à fait raisonnable, il faut reconnaitre que j'ai vu des suites faire beaucoup moins que ça.