"Les 4 Fantastiques" version Josh Trank… ou le film appelé à devenir un cas d’école de reboot ambitieux qui a été saboté en cours de route pour devenir, au final, une œuvre hybride et incontestablement raté… au point de réhabiliter les deux premières adaptations signées Tim Story, pourtant, unanimement, considérées comme moyennes (voire mauvaises). Pourtant, malgré les critiques essuyées avant sa sortie (sur le rajeunissement de l’équipe, sur leur look, sur le changement "ethnique" de la Torche…), le film avait, à mon sens, de très bonnes chances de faire taire les sceptiques et de rafler la mise. Il semblait, en effet, que les scénaristes aient été très influencés par la version Ultimate de 4 Fantastiques (dont on ne dira jamais assez de bien), ce que la présence de Mark Millar dans le processus de création confirmait. On était, donc, en droit, d’espérer un traitement plus humain de ces super-héros et un second degré rappelant qu’on est bien devant une adaptation de comic. Bref un ton à mi-chemin entre le fun "Avengers" et le sombre "Dark Knight". A ce titre, la première moitié du film est plutôt une réussite puisqu’elle prend son temps pour nous présenter des personnages, jeunes et en plein doute… à commencer par Red Richards (Miles Teller) qui semble être, enfin, présenté de façon convenable sur grand écran (avec son côté asocial et ses névroses scientifiques). Sans aller jusqu’à crier au génie, j’avoue que cette première moitié m’a presque enthousiasmé tant elle amorçait des pistes scénaristiques intéressantes telles que la relation atypique entre Red et Ben Grimm (Jamie Belle qu’on n’attendait pas là), le passé trouble de Susan (Kate Mara), son conflit avec son frère Johnny (Michael B. Jordan), la ferveur du Pr. Storm (Reg E. Cathey) ou encore le côté obscur mais encore humain du futur Fatalis (Toby Kebell)… Malheureusement, l’édifice s’écroule lorsque survient l’accident qui offre leurs pouvoirs aux futurs super-héros. La dernière scène vaguement digne d’intérêt est, sans doute, la découverte de ces pouvoirs, traitée comme un film d’horreur (ce qui change un peu) mais qui est immédiatement suivie d’une invraisemblable ellipse ! En effet, on se retrouve avec
un Red fugitif et le reste de la bande recruté à des fins militaires.
J’aurais pu pardonner cette ellipse, voire la trouver courageuse si elle ne marquait pas le début du grand n’importe quoi que devient le film à compter de ce moment ! Car, après avoir (trop ?) longuement présenté les personnages, l’intrigue s’emballe de manière incompréhensible, au point de flinguer tous les enjeux dramatiques
(Red est appréhendé très rapidement, Fatalis craque sans qu’on comprenne vraiment pourquoi, on n’a pas le temps de pleurer la mort du Pr. Storm…)
, de saboter tout l’iconographie du comics
(pas de Fantastic Car, pas de costume frappé du fameux 4 et même pas de nom de code !)
et surtout, de rendre les personnages totalement sans intérêt. A titre d’exemple, La Torche, personnage censé être flamboyant, est ici totalement apathique, La Chose frise le ridicule avec un look raté et n’est jamais exploité à sa juste valeur, la Femme Invisible est d’une fadeur à faire peur… Quant au grand méchant Fatalis, son retour dans l’intrigue est totalement bâclé et la complexité qui est la sienne dans les comics est, ici, réduite à peau de chagrin puisqu’il se contente d’être un destructeur sans grand projet. Le final du film est, également, un grand louper puisqu’il aurait dû être l’occasion de voir enfin
l’équipe utiliser ses pouvoirs à l’unisson dans une grande démonstration visuellement bluffant (le final de "Avengers" est un modèle du genre à ce titre)
. Au lieu de ça, on a droit à un montage archi-découpé et des effets spéciaux plus que limites, empêchant tout immersion du spectateur dans cet univers. Enfin, le film ne se contente pas d’être sans intérêt puisqu’il se prend, en plus, terriblement au sérieux en évacuant tout note humoristique… alors qu’un peu de légèreté aurait permis une prise de distance indispensable au vu de l’univers proposé. Une grosse déception donc qui devrait marquer la fin cinématographique de ce reboot. Et c’est bien dommage car je suis persuadé qu’il est possible de faire une excellente saga avec les 4 Fantastiques… à condition, bien sûr de ne négliger ni l’intrigue, ni les personnages, ni l’humour. Peut-être que Matthew Vaughn s’intéressera un jour au projet…