Tout commence par le plan le plus paisible qui soit: un sous-bois et une biche progressant parmi les arbres. Cette vision de rêve est accompagnée, en voix off, par la plus belle des prières, le Notre Père. La caméra s'éloigne, faisant apparaître au premier plan deux hommes, un adulte et un adolescent, un père et son fils probablement. C'est le premier qui récite le Notre Père tandis que le second tient en mains une carabine. Il vise et abat la biche. La paix fait place à la violence et au sang, le rêve tourne déjà au cauchemar.
Car, très vite, nous savons que nous avons affaire à un thriller des plus anxiogène, qui va nous tenir en haleine et ne plus nous lâcher jusqu'au plan final (qui n'est d'ailleurs pas une fin à proprement parler). Deux enfants, deux fillettes, vont disparaître, l'une étant la fille de l'homme que l'on a vu dès la première scène, l'autre étant la fille d'un couple ami. Où sont donc passées Anna et Joy? Un homme qui rôdait par là est arrêté, interrogé puis relâché faute de preuves. Mais le père d'Anna ne l'entend pas de cette oreille et décide d'engager lui-même ses propres recherches.
Entre le détective Loki et le père d'Anna se met en place une compétition et une course haletante vers la vérité. Malheureusement le film bascule aussi très vite dans l'horreur totale car le père d'Anna est prêt à tout pour retrouver sa fille, y compris à la séquestration et à la torture du prétendu coupable. Denis Villeneuve, le réalisateur, ne se refuse rien, il impose aux spectateurs les scènes les plus glauques et les plus terrifiantes. Du coup, le film a beau être captivant, il suscite également un profond malaise. Pourquoi ces plans sur un visage roué de coups, tuméfié, ensanglanté? Ces choix de mise en scène me paraissent des plus regrettables. Ce que je reprochais à "La Vie d'Adèle" à propos des scènes de sexe, je le reproche également à "Prisoners" à propos des scènes de violence.
Il y avait moyen de faire un film tout aussi efficace et beaucoup moins tendancieux en optant pour d'autres choix de mise en scène, moins paresseux et plus respectueux des spectateurs. Lors d'une scène, le père d'Anna, devant la pièce qui maintient prisonnier l'homme qu'il croit coupable, essaie à nouveau de réciter le Notre Père. Mais arrivé au "pardonne-nous nos offenses..." il s'arrête, il ne peut pas aller plus loin. Il sait que ce qu'il fait est atroce et qu'il ne peut pas demander pardon quand il ne pense qu'à torturer. Voilà une scène judicieuse, mais il y en a trop d'autres qui provoquent la nausée.
En fin de compte, malgré quelques beaux moments, quelques bons choix de mise en scène, c'est un film qui manque singulièrement de finesse! 6/10