Denis Villeneuve, cinéaste canadien révélé avec "Incendies", franchit un cap en signant son premier film américain, un thriller vertigineux où le suspense monte en crescendo, qui ne se départ jamais du drame humain. Lorsque la famille Dover retrouve les Birch pour fêter Thanksgiving, ils ne se doutent pas que commence pour eux une terrible semaine, inaugurée par le kidnapping des fillettes des deux couples. La présence d’un camping-car déglingué sur les lieux de la disparition dirigent rapidement les recherches de l’inspecteur Loki vers Alex Jones, un jeune homme attardé, que tout accuse a priori. Mais les preuves manquant, Alex est relâché, au grand désespoir de Dover. Convaincu de sa culpabilité, le père en souffrance va alors user de tous les moyens (séquestration, torture) pour tenter de découvrir où sont les enfants, quitte à sombrer dans une vendetta personnelle dénuée de tout fondement. "Prisoners" fait partie de ces films rares, qui nous font ressentir une angoisse palpable au cinéma, ce moment où le ventre se noue quand notre morale se confond avec le combat des personnages. Denis Villeneuve arrive à faire de ce long-métrage une œuvre d'envergure, grâce à son audace formelle est celle d'un rythme hypnotisant, radiographiant dans de longs plans l'insoutenable tension qui s'y joue. Fort d'une réalisation impeccable, Villeneuve a eu l'excellente idée de faire appel à Roger Deakins ("No Country For Old Men", "Skyfall") pour la photographie qui est de toute beauté. La première partie du film, d'une noirceur abyssale et totalement angoissante, laisse progressivement place à un film policier jouant avec les nerfs du public, où Villeneuve imprime une atmosphère désespérée qui va à contre-courant du style hollywoodien en vigueur, jusque dans une durée qui excède les deux heures et demie. À l’image d’un puzzle, toutes les pièces ont leur importance, les fausses pistes et cul de sac apparents jouent tous un rôle dans la révélation finale, totalement inattendue. Les deux heures et demie passent à la vitesse de la lumière, il n'y a aucune longueur. Le casting est excellent, Hugh Jackman montre au monde entier son immense talent, en périssant psychologiquement minute après minute avec un charisme considérable. En appliquant la loi du Talion, il devient peu à peu un personnage détestable, sa psychologie est développée d'une manière rarement vu au cinéma. Jake Gyllenhaall quant à lui campe avec brio le flic émotionnellement à fleur de peau, solitaire et circonspect, patinant dans la choucroute. Ainsi, "Prisoners" est un film d'envergure, l'un des meilleurs thrillers de cette décennie, et indéniablement le meilleur film de l'année !