Est ce que le premier film de Phan Dang Di, que j'ai vu il y a quelque temps en projection de presse, et qui va sortir le 14 mars, réconciliera le public français avec le cinéma vietnamien? Pas sûr. Bien qu'il ait été primé un peu partout, à Cannes en 2010, ainsi qu'à Vancouver, Stockolm, et en 2011 au California International Film festival
C'est une famille vietnamienne d'aujourd'hui, vue par l'oeil d'un petit garçon d'une dizaine d'année. Ça, il n'a pas peur, Bi! (Phan Thanh Minh). Il court partout, libre comme l'air; sa famille vit dans un quartier d'Hanoi près du Fleuve Rouge, quand subitement la ville laisse la place à la campagne; Bi joue là, il se cache dans les roselières où, apparemment, les hommes vont s'enduire de boue. Il joue aussi dans une usine de glace, espèce de cathédrale du froid dans une ville surchauffée, en pleine saison des pluies..... Les images sont toujours surprenantes et travaillées.
Bi vit dans une belle maison, meublée à l'occidentale; c'est une famille bourgeoise, avec une bonne à demeure. Dans cette maison, le grand père (Tran Tien), qui a passé toute sa vie à l'étranger pour ses affaires, se désintéressant de sa famille, revient pour mourir (on peut lui supposer un cancer de l'estomac.) Distant, élégant dans ses chemisettes de lin, il fait peur à tout le monde, sauf à Bi qui passe beaucoup de temps avec ce mystérieux vieillard. Bi est encore un coeur simple! Mais Phong (Nguyen Ha Phong), son fils (le père de Bi donc) le déteste et va mettre toute son application à ne pas le rencontrer, ne pas le croiser, ne pas le voir. Il est vrai qu'il rentre fort tard à la maison, où il ne prend jamais ses repas, ses soirées se passant à s'imbiber de bière avec ses copains dans un bouge assez lugubre, et chez une jeune masseuse dont il est amoureux. Ce qui semble laisser la très jolie maman (Nguyen Thi Kieu Trinh) assez indifférente. Elle soigne son beau père avec beaucoup de dévouement et de tendresse. Il y a enfin la très, très jolie tante (Hoa Thuy), presque vieille fille, tourmentée par ses pulsions sexuelles, qui se résoud à un mariage de convenance tout en rêvant à un jeune lycéen rencontré dans le bus....
Le charme très vietnamien du film tient à ses non-dit, à l'ambiance de mystère qui enrobe chaque personnage. Son côté moins vietnamien, c'est qu'il contient des scènes de sexe extrêmement explicites.... ce qui explique qu'il n'ait été projeté au pays qu'en version censurée. Et puis, cette vision assez peu idyllique de la famille choque les vietnamiens; un grand père, surtout malade, reste un objet de respect, et il semble inadmissible que son propre fils le rejette.... Le film ne propose pas de morale. Il n'exalte pas les beaux sentiments. Il montre, c'est tout....
Tel quel, c'est un beau film, qui, comme Vertiges présenté il y a un an grâce au même producteur et distributeur français, Acrobates films, nous décrit la société vietnamienne d'aujourd'hui. Mais, est ce que le scénario ne sera pas jugé un peu mince pour intéresser le spectateur "non-vietnamophile" français? Je m'interroge.