A contre-courant des autres avis, Rempart me semble immanquable dans une période creuse de bons films, car oui c'en est un bon, et pas qu'un peu mon neveu ! Centré autour d'un Woody Harrelson, enfin dévêtu de son aura de bon copain marrant charismatique, qui endosse la viscérale intensité d'un dingo tragique, Rempart nous offre une descente aux enfers parmi les plus belles du genre; le personnage nous est rendu sympathique et proche par le jeu d'acteur, mais la mise en scène le défait de tous les fragments de son identité jusqu'à la dernière épluchure avant le néant, avec une circonspection intransigeante. Avant tout développement des thématiques parallèles (corruption, racisme, misère sociale, immigration, rôle du père de famille, etc) il s'agit de cette mise à nu. Donc aucune conclusion, ni aucune morale, ne viendront combler ces autres sujets, laissant place nette au récit du vide dans le cœur de l'agent Dave Brown, et laissant des regrets des spectateurs habitués à manger la soupe, attendant peut-être un beau discours tout fait sur les relations entre blancs et noirs. Ses actes, bien que litigieux, ne nous surprennent pas, car c'est du vu et revu dans les films d'actions US; sauf que là ils sont comme commis dans le monde réel, et il devra en subir les conséquences. John Wayne chute de son cheval, parce qu'autour de lui tous les Brad Pitt et les Denzel Washington jouent aux lance-roquettes entre deux cascades et trois explosions. Dave Brown a endossé les uniformes de l'Histoire étasunienne, du soldat au Vietnam au flic de Los Angeles, se créant son personnage dans la bannière étoilée. Oncle Sam a changé, nous espionne par Prism, imprime des milliards de dollars, non indexés sur rien de tangible, qu'il s'achète à lui-même, pour couvrir les pertes des traders fous de l'informatique à la millisecondes et des paris sur les paris. Hollywood nous vend des héros de cinéma aux super-pouvoirs, comme Colin Powell des armes de destructions massives imaginaires en Irak, et comme Obama brode des belles intentions dans les âmes vouées aux enfers des wahhabites de l'armée syrienne libre, nimbant gaz et pétrole. Dave Brown ne se chargera pas de ce travail, trop vieux, mais surtout trop voyant, sinon, le salaud, il l'aurait fait. Et tout le monde s'en fout. Pas moi, et, à mon humble avis, pas tout spectateur qui bougera son cul dans les quelques cinémas obscurs où brille cette pépite mésestimée qui ne demande que le coup de chiffon de vos sens.