A Cannes 2010, le film coréen "Poetry" aurait fait une excellente palme d'or pour la majorité des cinéphiles et j'aurais souscris sans problème à ce quasi consensus. Toutefois, un autre film me paraissait tout autant mériter cette palme. C'était un premier long métrage et ... il n'a rien obtenu : ni la Palme, ni un prix du Jury, ni même la Caméra d'Or. Il marque pourtant le début de ce qui devrait être une grande carrière pour un réalisateur ukrainien qui fut mathématicien spécialisé en intelligence artificielle avant de devenir réalisateur de documentaires. Une remarque : j'ai bien écrit "ukrainien", ce qui contredit l'affirmation de François Forestier dans le Nouvel Observateur qui fait de Loznitsa un russe pur jus. Non, il n'est pas russe, il est ukrainien, né en Biélorussie du temps de l'ex-URSS et émigré en Allemagne depuis près de 10 ans. Non, "My Joy" n'est pas un film russe mais un film ukrainien. Ces précisions sont importantes car elles peuvent permettre de mieux comprendre ce film qui est une charge féroce envers la Russie et ses habitants. Loznitsa, au travers le périple d'un camionneur sur les routes plus ou moins défoncées de ce qui est censé être la Russie, fait un film sur l'état de ce pays, passé et présent : corruption des autorités, violence, prostitution, etc. Visuellement, ce film est un chef d'œuvre : cadrage, lumière, tout est parfait (le directeur de la photo est le roumain Oleg Mutu, qui le fut également sur "4 mois, 3 semaines, 2 jours" et d'autres films roumains). On retrouve également un gros travail sur le son : le crissement des pas dans la neige, les sons de la nature, les oiseaux, ... On notera qu'il n'y a aucune musique dans ce film et, une fois de plus, cela prouve qu'un film très fort, très souvent, n'en a pas un besoin impératif. Quant à la construction du film, avec ses plans séquence magnifiques, elle est au niveau des plus grands réalisateurs. Vous aurez compris que "My Joy" m'a enthousiasmé.