Conte réminiscent, doux, impur, envoutant, sensuel, naïf, malade, familial, interlude féerique, fabuleux, hanté, peuplé de revenants, de voix, de créatures hybrides, de fantômes, de princesses, d‘animaux, dont certains copulent - ils sortent des ténèbres un à un, attirés par la lumière d'une lampe, comme des bêtes curieuses, et se présentent là, à celui qui les visite, passent, "devant" la caméra, s'invitent à notre table avec une simplicité plate et désarmante - co-existence des mondes terrestre et spirituel - aller - retour - voyage d’accompagnement du jour vers la nuit, passages communicants de la surface du monde des vivants aux profondeurs obscures et mystérieuses des esprits de l’autre monde, de la vie vers la mort, de la campagne vers la ville ; les références scintillent et miroitent, magiques comme la Belle et la Bête de Jean COCTEAU, politique comme Chris MARKER, et opèrent une scission décisive. Les corps restent figés devant l'écran, mais les esprits se lèvent et traversent les cloisons, ne connaissent aucunes frontières. Géant, humble, vaste espace ouvert et rémanent, planant, inactuel, merveilleux, plein de réserve, un trek mystique, un trip fantastique qui vous imprègne encore plusieurs jours après la projection. Intègre, concentré sur son ouvrage plutôt qu'à chercher à plaire, la connivence, le consensus, à distraire le spectateur occidental de son ennui confortable, à expliquer ou convaincre de quoique ce soit, avec des critères esthétiques différents de ceux que dictent les dollars de recettes, le nombre d'entrées supposées, les goûts formatés d'un public abonné au bureau des plaintes des services consommateurs. Un film révélateur, couronné d'une palme de rêve, de joie. D'une discrétion confondante, admirable, qui ne demande rien à personne, pas même d'être vu d'autant de monde. Le film fonctionne sans eux, tous les moi-je moi-je insignifiants et grammaticalement déficients, les indécis, les censeurs enragés des grandes coupes au ciseau, qui ne décolèrent pas de rancoeur, qui ne tolèrent pas l'existence en salles d'autres cinémas que les films dits "Grand Public", qui contestent la liberté de choix d'un jury, la liberté d'un artiste de créer comme il l'entend, sans obéir aux standards uniformisés imposés partout sur la planète par les lois du marché. Bref tous ceux qui ont de sérieux problèmes avec la liberté d'autrui. On retournera en salles en septembre, quand le film fera une réapparition dans notre monde. "Avec Tim Burton, on a rapidement discuté. Les membres du jury sont venus me féliciter. Benicio Del Toro en particulier m'a dit qu'il avait été très touché, qu'il était en pleurs à la fin du film" A.W.