Comme ce fut le cas, à une échelle certes bien plus catastrophique dans Melancholia de Lars Van Trier, on serait en droit d’attendre que l’éventualité funeste – qui sert de titre au film – vienne brouiller la réunion familiale. Il n’en pratiquement jamais question, seule Anna – interprétée par la réalisatrice qui s’octroie du coup le beau rôle et les meilleures répliques – exprime de temps à autre ses craintes que la disparition en plein océan Indien de l’engin, évoquée furtivement, fait disparaître. On aurait espéré que, dans cette tribu éclectique opposant citadins et ruraux, parisiens et provinciaux, gens de droite et de gauche, partisans d’une éducation à l’ancienne et défenseurs des libertés, l’apparition des failles donne lieu à quelques passes d’armes, des luttes fratricides. Si Julie Delpy est bien loin du cinéaste danois, elle se tient aussi éloignée de l’approche d’Arnaud Desplechin dans Conte de Noël. Le registre et l’ambition ne sont bien sûr pas les mêmes, mais quitte à opter pour la comédie, la légèreté et le refus de s’appesantir, en choisissant de désamorcer très vite la moindre situation potentiellement explosive, il faudrait être drôle et aérien, et réussir à diriger la troupe d’acteurs, adultes comme enfants, qui donne trop souvent l’impression d’être en roue libre, ayant si peu à jouer. Même lorsque les conversations s’animent ou qu’elles s’arrêtent sur des sujets comme l’émancipation des femmes, tout paraît convenu et finit par tomber à plat. La reconstitution roublarde des années 70 et la belle lumière des scènes d’extérieur, dans le jardin familial comme au bord de la mer, ne suffisent décidément pas à sauver Le Skylab du naufrage. Le prologue et l’épilogue, situés de nos jours à bord d’un train, ne trouvent aucune justification, sinon à prouver la diminution des temps de transport. On est même triste pour la flopée des comédiens égarés dans ce projet insignifiant, au final vide et raté.