Un très beau film,bouleversant, sur un sujet rarement traité au cinéma. L’attirance par certains adolescents pour la mort ( par la voie du suicide ) , souvent des jeunes perdus et adaptes d’un néo-romantisme macabre. On entend parfois des faits divers relatant la pendaison ou le suicide de jeunes, alors que l’entourage n’avait rien vu. Ici deux jeunes filles n’arrivent pas s’insérer dans la vie réelle, l’école n’en les intéresse pas, les petits copains non plus, elles exècrent leur famille respective. Et l’héroïne Noémie aime particulièrement le romantisme morbide, un peu « gothique » sur les bords. Elle a adoré lire en classe la poésie de Henrich de Kleist (1811) et son appel au suicide amoureux.. Elle est en plein dans cette logique du geste de beauté absolu qu’est le suicide. Elle entraine dans sa logique sa copine, Priscilla ,elle aussi mal dans sa peau ,et elles décident d’en finir le soir même, ensemble , main dans la main.. Cette maladie les ronge, c’est similaire aussi à la problématique de la pathologie de l’anorexie extrême. Pourtant tout cela n’est absolument pas glauque, ni sordide, ni même triste, car on comprend leur dégout de la vie et de la petitesse du monde. On assiste à cette chute ,et on voudrait pouvoir les aider, mais le mal est en elles .Mais surtout Jean-Paul Civeyrac démontre une incroyable maestria , par une mise en scène, sobre , juste, apurée, et pourtant empathique. Il y a plein d’amour envers ses personnages, y compris lorsqu’ils plongent dans le noir. La réalisation est belle, beaucoup de travellings circulaires, lancinants, enroulant les personnages comme dans un voile, les plans au lycée sont magnifiques. Il y a une lenteur, qui permet de prendre du temps et de rentrer en osmose avec les personnages. La scène du repas de famille de nuit dans le jardin des grands parents est de toute beauté. Les filles sont présentes , sans y être, alors que la famille raconte ses petites histoires normales, et que Papi pousse la chansonnette.. Il y aussi la scène de lecture de Noémie à une grand mère agonisante sur son lit, elle lui annonce qu'elle veut se suicider le soir même , et la mamie dans un souffle de vie lui dit : « ne fait pas ça »..Mais Noémie est convaincue, elle rêve d’absolu. Découvertes par la mère, les filles seront séparées le soir même par cette mère protectrice, avant de pouvoir prendre leurs cachets. Mais grâce à leur téléphone portable, elles vont se joindre à nouveau,et mettre leur plan à exécution au petit matin. Mais il y aura une faille . Les 15 dernières minutes sont éprouvantes ( de puissance) et nous tiennent en haleine , comme un thriller, car on ne sait pas où Civeyrac veut nous emmener. Les séquences s’enchaînent pas des fondus enchaînés au noir. Plan final, sur le balcon d’un hôtel de Grenoble .Au petit matin le soleil se lève, Puis on voit en contre- jour couler des larmes sur son visage, pour la première fois elle ressent une émotion réelle, signe de vie , signe vitale aussi. Sublime de beauté. C’est le premier film de Civeyrac que je voyais , mais quel force, quel absolu, quel intelligence aussi, on reconnaît l’ancien prof de philo... C’est un choc, je vais m’empresser de chercher ses autres films en VOD.