Chantrapas, film de l'émigré géorgien Otar Iosseliani, nous raconte dans sa première partie (la plus intéressante) quelques tranches d'enfance du réalisateur. La deuxième partie nous montre Nicolas devenu un adulte, en butte aux tracasseries administratives du régime communiste : ne pouvant pas monter son film comme il le veut, il s'exilera en France. C'est ce que nous montre la troisième partie : le fils de privilégiés géorgien se retrouve à vivre dans une
chambre minable, à travailler comme cantonnier, ouvrier de chantier ou gardien de zoo, pour assurer sa subsistance à une époque où le RMI n'existait pas encore. Il passe ses loisirs à travailler, sans grande inspiration semble-t-il, sur un film que là encore il ne pourra pas monter lui-même, cette fois en butte aux tracasseries des producteurs. Il retournera finalement en Géorgie.
Le message du film est donc aussi clair et naïf que l'est la métaphore de son 1er film géorgien (des fleurs écrasées par des rouleaux compresseurs, censées symboliser l'art et la culture, choses fragiles, écrasées par le système, comme l'énonce le réalisateur : la métaphore éléphantesque n'était manifestement pas assez explicite pour le public visé, qui semble être alors le plouc géorgien ; on se demande comment un tel cinéma peut se retrouver aujourd'hui adulé par les bobos parisiens!): en Union soviétique comme en Europe, la liberté (du fils de bonne famille!) n'existe pas, qu'elle soit confisquée par l'idéologie ou par le marché...d'ailleurs, Iosseliani agrémente sa description de la vie parisienne d'images récurrentes de noirs victimes des méchants blancs (le rasta pris à parti par les policiers, à l'arrivée de Nicolas à Paris ; le séducteur noir battu (et abattu) auprès de la femme blanche par le séducteur blanc armé d'un plus gros bouquet de fleurs et surtout, d'un flingue! cette scène digne de l'imagerie d'Epinal fait partie du film réalisé à Paris par Nicolas, le double d'Otar). La fascination pour l'exotisme, non pas européen mais africain, s'exprime d'ailleurs dans les images où Nicolas tombe dans un lac d'où émerge une curieuse naïade noire aux yeux bleus, qu'il finira par suivre au fond des eaux lors de son retour en Géorgie : manifestement, le pauvre Nicolas / Otar étouffe en Asie comme en Europe, le salut semble être dans une mère Afrique dont le côté mortifère (ou tout du moins humidifiant!) soulève cependant quelques, les seules non résolues dans ce film autrement guère subtil,dont on se demande pourquoi les films du losange de Barbet Schroeder (dont la femme Bulle Ogier fait des apparitions) l'ont produit : les références à Rivette (filmer incessamment le cinéma en train de se faire) ne l'élèvent pas au niveau du modèle ascénaristique. Les longueurs n'amènent ici que l'ennui, probablement à cause de comédiens pas vraiment convaincants.