Inside Job, c'est "le crime de l'intérieur". Et c'est précisément à l'intérieur du système financier états-unien que Charles Ferguson nous emmène. Une incursion dans un monde nébuleux, a priori peu cinématographique. Mais en mêlant pédagogie, investigations et sens du paradoxe, en misant sur la densité d'informations et un rythme de narration soutenu, le réalisateur réussit à nous captiver du début à la fin. La profusion d'explications, d'interviews, de graphiques... donne certes un peu le tournis. On ne comprend pas tout, on ne retiendra pas tout non plus. Mais l'ensemble est instructif et éclairant, notamment en matière d'analyse des processus de déréglementation, de spéculation à outrance, jusqu'au comble (les banques ont notamment parié sur l'effondrement des produits qu'elles vendaient). On cerne enfin mieux le mécanisme des subprimes. Et le décryptage des relations entre les banques, les assureurs, les agences de notation, les universités et l'État, tout en conflits d'intérêts, est assez sidérant... et inquiétant. Cupidité et fuite en avant. Au final, se dessine le tableau d'un système financier fou, déconnecté de l'économie réelle, qui s'autogère et enrichit ses leaders. Tableau aussi d'un monde gouverné par la finance au détriment de la sphère politique.
Petits bémols : le propos du début sur l'Islande, assez faible, ainsi que les cartes postales touristiques qui l'accompagnent, incongrues ; quelques effets de style superflus pour "mettre de la sauce" ; la petite grandiloquence de la scène finale ; et surtout le laïus sur la prostitution et la drogue, déplacé.
Autrement, il faut saluer l'énorme travail de recherche et de documentation, l'intelligence du projet, ses démonstrations efficaces et implacables, mais aussi les pointes d'humour, via quelques interventions croustillantes (comme celles de Christine Lagarde).