Si au départ je n’avais même pas remarqué Easy Money parmi les sorties ciné, les avis positifs de nombreux bloggeurs m’ont convaincu de tenter l’expérience. La nationalité suédoise du film, son succès dans son pays et la renommée du roman dont il est tiré, ont finit d’attiser ma curiosité…
Pourtant à lire le synopsis, rien de bien nouveau. JW, brillant étudiant en Ecole de Commerce, mais qui ne roule pas sur l’or, succombe à la tentation de l’argent facile, en infiltrant un trafic de drogue. Il va croiser sur son chemin, Jorge, dealer en cavale, et Mrado, tueur à gage à la poursuite de Jorge. Rien de nouveau certes, mais rien de non moins efficace. Daniel Espinosa choisit de se centrer essentiellement sur JW, novice dans le milieu, comme l’est le spectateur, et qui va petit à petit comprendre que l’argent n’est pas si facile que ça et qu’il n’est qu’un pion sur un grand échiquier. Le spectateur se retrouve alors au plus prés des émotions de JW, de ses doutes et de ses angoisses, comme lui, il est perdu, et ne sait plus à qui se fier. Pour amplifier le processus émotionnel, Espinosa peaufine ses seconds rôles, notamment Jorge et Mrado, dont les histoires, bien que plus secondaires, donnent une atmosphère de film chorale, où les destins et les enjeux de chacun vont dépendre les uns des autres. Autres seconds rôles, obligatoires dans tout polar qui se respecte, et indispensable aux enjeux émotionnels, les femmes. Ainsi à chaque personnage masculin correspond un personnage féminin. La copine pour JW, la fille pour Mrado, la sœur et la mère pour Jorge. Si Easy Money reste dans le strict cadre du polar, il a cependant l’atout indéniable d’être européen et de ne pas se poser de limites, notamment dans sa fin, percutante de violence physique mais surtout psychologique.
Et puis, si Easy Money fonctionne si bien, c’est parce qu’il est mené par une main de maître. Espinosa trouve le juste milieu entre réalisme et cinéma. L’image est magnifique, travaillée, mais sans aller dans l’ultra stylisation. Espinosa et son directeur photo jouent surtout sur les contre-jours et les surexpostions qui donnent une ambiance très lumineuse, contrastant avec la noirceur du propos. La caméra à l’épaule, les flous et autres plans serrés participent à l’ambiance réaliste du film. Le style visuel renforce très souvent le propos, comme dans cette scène au musée, où Espinosa filme indirectement la révélation de JW par son reflet, puis passe en plan direct sur le couple. La dynamisation du récit passe aussi par la qualité du montage, notamment lorsqu’il mêle plusieurs plans décalés dans le temps et/ou l’espace. Le plus bel exemple est celui de la première nuit entre JW et Sophie, où viennent s’intercaler leurs rendez-vous futurs, expliquant en une séquence l’importance de leur relation et créant ainsi une ellipse pour le moins originale.
Par ailleurs, malgré une VF horrible (j’ai pas eu le choix), le casting participe aussi au succès du film. Joel Kinnaman, en chef de file, est une révélation (tout du moins en France) en offrant un jeu subtil, et en gardant même sa part de mystère. Matias Padin, Dragomir Mrsic et Lisa Henni le supportent admirablement.
Easy Money reste donc un polar classique dans le fond, mais dont la maîtrise de Daniel Espinosa élève au rang de nouvelle petite perle venu du Nord. Et la bonne nouvelle, c’est que la saga littéraire contient deux autres tomes…