Entrer dans l'histoire d'"Easy Money" m'a honnêtement plutôt coûté : exposition, mise en situation des protagonistes - cela m'a paru embrouillé, voire confus, avec comme seule perspective, pour une durée annoncée de plus de 2 h, un récit, en forme probable de déjà vu, sur la criminalité en bande organisée et le trafic de stupéfiants, ce qui est loin d'être ma tasse de thé ! Seule "nouveauté" identifiable : l'action située à Stockholm et un metteur en scène suédois (au patronyme ibérique - ou latino ?), pour changer du "know how" nord-américain en la matière. Or, le premier quart d'heure déconcertant passé, cet "Argent facile" m'a accrochée irrésistiblement, y ayant vu pour ma part une histoire de Rastignac nordique du 21ième siècle, avec l'épaisseur romanesque requise, et tout à fait passionnante. "J W" (Johan Westlund) est un jeune homme présentant bien (aux allures de mannequin à vrai dire), intelligent (brillant même) et qui fait des études de commerce prometteuses : un profil quasi idéal de "golden boy" donc. Mais là où le bât blesse, c'est qu'il est d'extraction ultra modeste et qu'il a compris depuis longtemps que c'est l'argent qui mène le monde, et spécialement le microcosme où son ambition et ses capacités ne peuvent seules lui assurer une place légitime. Côtoyant de son mieux pendant ses études la classe des nantis (en soignant surtout son allure et sa garde-robe - tout en habitant dans une très modeste résidence universitaire - ceci grâce à des expédients divers, comme la vente d'exposés à des condisciples fortunés mais paresseux et moins doués que lui, et surtout en faisant le taxi pour Abdulkarim, un petit malfrat) il veut y faire sa place durablement (surtout quand la riche Sophie répond à son amour). Il lui faut donc trouver de l'argent, vite et beaucoup - de l'argent facile : il met au point une opération de blanchiment de grande envergure, incluant rien moins que l'achat d'une banque d'investissement dont il sait que les affaires battent de l'aile ; mais avant il va s'agir de trafic de cocaïne. La "blanche" est arrivée en Allemagne d'Amérique Latine, il faut l'acheminer en Suède (40 kgs pour la première livraison), et l'écouler dans les meilleurs délais, avant que de recycler "proprement" les (colossaux) profits attendus dans le circuit bancaire. Abdulkarim envoie JW récupérer Jorge Salinas, un Chilien qui vient de s'évader de prison, afin qu'il les aide à mener leur entreprise - c'est son cousin qui est le pourvoyeur de la drogue en Allemagne. Mais Jorge est poursuivi par Mrado, l'homme de main d'un redoutable Serbe, Radovan, et il est laissé pour mort dans un bois - J W arrive à le sauver, et dès lors la mécanique se met en place. J W Rastignac ne se compromet pas avec le milieu pour y faire carrière, c'est juste le moyen (ô combien périlleux cependant, l'apprend-il bien vite) de s'assurer les subsides nécessaires à son élévation sociale. Jorge veut quant à lui faire un dernier "coup" lucratif avant de retourner au pays se ranger (motivé plus encore quand il apprend que sa soeur Paola, émigrée avec leur mère en Suède, est enceinte) et Mrado, chargé de l'éliminer, a maintenant pour seule envie de partir pour Belgrade avec Lovisa, sa petite fille de 8 ans, dont il doit assumer la garde en pleine guerre des gangs, la mère junkie de l'enfant étant hors circuit. Il est question de rivalités, de luttes pour le pouvoir, de trahisons et d'amitié, de passions, de famille, et même si cela passe dans un contexte sordide de criminalité, c'est avant tout de destin (s) qu'il est ici question, et c'est ce qui retient l'attention. Il faut aussi louer le savoir-faire technique de la réalisation et l'excellence de l'interprétation, l'Américano-Suédois Joel Kinnaman en tête (J W).