Agents très spéciaux, encore un titre français qui fend les murs de briques, s’affiche comme la dernière livraison d’un petit génie du polar britannique passé à la fabrication de Blockbusters. En effet, après les deux succès commerciaux des opus d’une toute nouvelle franchise Sherlock Holmes, Guy Ritchie se tourne, en 2015, vers l’espionnage, en rendant vie aux hommes d’ U.N.C.L.E., protagonistes d’une séries d’antan, ancrée en plein cœur de la guerre froide. Sorti quelque part entre le succès de Matthew Vaughn, Kingsman, et le dernier James Bond en date, le film de Ritchie se devait de ne pas faire que de la figuration commerciale. Le cinéaste a-t-il failli? A mon sens, non. Bien que complaisant dans sa mise en scène, passablement aseptisé sur le plan artistique, son film n’en demeure pas moins une proposition honnête de divertissement, se jouant à l’envie des code du genre qu’il parodie gentiment, un genre auquel il rend surtout un hommage, puisant ses références dans la série originale mais aussi dans la longue histoire de la sage 007 pour ce qui est d’inclure chic et paillettes à son œuvre.
Si Agents très spéciaux peine à surprendre, du fait d’une mise en scène d’un académisme ronflant, du fait sans doute de comédiens d’avantage photogéniques que charismatiques, le titre offre toutefois quelques jolis morceaux de bravoure, parfois sous la forme d’un humour inattendu, parfois du fait d’un petit éclair de génie de son réalisateur ou encore de par des réparties fort bien écrites. Guy Ritchie, bien que tournant à bas régime, parvient tout de même à offrir l’essentiel. Son film se visionne aussi aisément qu’escompté, le rythme est tendu, les décors sont fastueux, l’intrigue suffisamment farfelue pour s’imbriquer dans la mythologie du film d’espionnage vintage et le charme des comédiens, physiquement parlant, fait son office. Oui, si Henry Cavill et Armie Hammer ne sont pas des bêtes de scènes, leurs avantages sont ici pleinement exploités par le metteur en scène, faisant de ces deux acteurs qui ont encore tout à prouver de véritables gravures de mode, les pions habilement placé sur l’échiquier par un auteur qui sait profiter des talents et faiblesses de ses comédiens. Quant à Alicia Vikander, l’actrice qui monte, celle-ci ne trouve pas ici le moyen de briller mais juste de s’épanouir, atout charme indéniable de la production.
Guerre froide, gadgets, smoking, suites de luxe, belles donzelles, tout ça, outre un rappel de la série dont le film s’inspire, renvoie surtout, comme mentionné plus haut, à l’univers d’un certain James Bond. Pour autant, c’est sans doute là la vraie réussite ici de Ritchie, son film se distingue comme strictement indépendant des aventures du héros de Ian Fleming. Des points communs, oui, mais hormis cela, rien à voir. Rien à voir non plus avec le film de Vaughn, l’esprit musclé de la sage Mission Impossible. Non, Guy Ritchie livre un film indépendant, une œuvre d’espionnage semi-parodique, semi-respectueuse de ses modèles. Une composition honorable à l’heure de remixage, du reboot, de la relecture. Guy Ritchie, sans briller, sans éblouir, prouve tout de même qu’il est un artisan doué d’une certaine liberté artistique.
Si comme de bien entendu, le réalisateur n’aura jamais été meilleur que lorsqu’il livrait Arnaques, crimes et botanique, ou encore Snatch, il semble que le Blockbuster lui réussisse plutôt bien, à l’inverse de quelques autres. Si ce film ne fera sans doute pas date, à l’exception peut-être de quelques scènes prises indépendamment, Agents très spéciaux me renforce dans l’idée que Guy Ritchie, à l’image de quelques autres de ses confrères britanniques, a encore bien des choses à raconter, à montrer, dans le vaste univers de l’Entertainment. 14/20