Guy Ritchie est, à mes yeux, l’un des meilleurs réalisateurs anglais… mais a malheureusement tendance à se montrer inégal dans sa filmographie. Rappelons qu’après avoir révolutionné le film de braquage décalé ("Arnaques, crimes et botanique" et "Snatch"), il s’était perdu (sa période Madonna), pour finalement s’imposer à nouveau dans son genre de prédilection (l’excellent "Rock’n’rolla") puis en dynamisant le mythe de Sherlock Holmes. Cette audace scénaristique et visuelle, qui fait tout le sel de son cinéma, semblait, cependant, déjà un peu en berne dans le second volet des aventures du célèbre détective. Cette vague impression vient, malheureusement, se confirmer avec cette adaptation de la série méconnue "Des Agents très spéciaux"… qui avait tout pour être une pure merveille et qui s’avère particulièrement décevante. Ce n’est pas tant que le film soit mauvais puisque, de la part d’un autre réalisateur, j’aurai pu me montrer moins sévère. C’est juste que, lorsqu’on compte quelques pépites à sa filmographie, on n’a pas le droit de livrer un film sans saveur et, au final, sans intérêt… surtout au vu du potentiel de l’intrigue. Certes, la désuète opposition entre américains et Russes du temps de l Guerre froide a déjà été vue et revue sur grand écran mais la perspective d’une collaboration entre les deux camps restait, à défaut d’être totalement originale, riche en promesse de confrontation décalée et de second degré salvateur (le temps ayant, aujourd’hui, fait son office et permettant un certain recul sur l’époque). Malheureusement, Ritchie n’a pas axé l’originalité du propos sur la relation entre ses deux agents mais sur leur personnalité individuelle. Résultat, on se retrouve avec tous les poncifs habituels du genre
(la haine initiale, la collaboration forcée accompagné de coups tordus, le respect réciproque qui se distille peu à peu…)
alors que les personnages sont, plutôt bien écrits ! En résulte un sentiment plus que mitigé où on se prend à sourire aux saillies verbales du très distingué agent Napoleon Solo (Henry Cavill, so class) ou aux crises de colère du bouillonnant russe Illya Kouriakine (Armie Hammer qui devient de plus en plus intéressant) mais on ne peut que constater que l’alchimie entre ces deux là n’est jamais vraiment bien exploitée. La faute en incombe peut-être à l’omniprésence du personnage féminin (jouée par Alicia Vikander) qui fait pratiquement jeu égal avec ses homologues masculins, ce qui ne convient pas vraiment au schéma attendue. Il ne faudrait, cependant, pas oublier la mise en scène de Guy Ritchie qui, une fois n’est pas coutume, est, selon moi, la principale responsable de l’échec artistique (et commerciale) du film. Outre une exploitation trop light du côté rétro de l’intrigue (on est loin du travail d’orfèvre d’un Michel Hazavanicius sur les "OSS 117"), on ne peut que déplorer la lourdeur de la réalisation qui déroule l’intrigue sans ambitions mais en multipliant les effets de style outranciers (à commencer par les multiples flash-backs censés expliquer une séquence précédente sous un autre angle) et les scènes de poursuites qui n’en finissent pas. Les dialogues s’en sortent un peu mieux même s’ils alternent le bon (les dialogues de Solo la plupart de temps) et le moins bon (l’explication souvent lourde des missions), tout comme la BO qui surprend, par fois, par son utilisation mais qui offre quelques moments payants
(la scène de torture de Solo)
. Le film s’autorise, par ailleurs, quelques scènes plutôt réussies, notamment lorsqu’il assume pleinement son ton décalé
(l’interrogatoire de l’homme de main prêt à tout dire, la réaction de Solo qui se rend compte qu’il a été drogué, les interventions de la grande méchante du film…)
et se repose, dans son dernier tiers, sur le numéro habituel de Hugh Grant, qui nous ressort ses mimiques habituelles… ce qui n’est pas pour nous déplaire et s’inscrit parfaitement dans le décalage ambiant. Il n’en demeure pas moins que "Agents très spéciaux : Code U.N.C.L.E. " (titre français bien compliqué mais qui devait composer avec l’obligation de placer le "U.N.C.L.E. " du titre original) est partiellement raté ou, à tout le moins insuffisant au vu du pedigree du réalisateur et des ambitions nourries de lancer une saga potentielle. La déception est d’autant plus grande au vu de la sortie, la même année, du fantastique "Kingsman", réalisé par Matthew Vaughn, soit un proche de Guy Ritchie qui ne cesse d’accumuler les réussites et le distancie de plus en plus. Espérons que le prochain "King Arthur" redresse enfin la barre…