Alice Sweet Alice est un très bon film des années 70. Plus thriller que film d’horreur, il s’avère franchement convaincant avec un budget dérisoire.
Gros point fort : l’interprétation. Une bonne partie du niveau de ce métrage réside dans le jeu assez exceptionnel de Paula Sheppard. L’avantage énorme c’est qu’il s’agit en fait d’une actrice mature (elle a 19 ans au moment du tournage) jouant le rôle d’une enfant de 12 ans ! Non seulement physiquement cela ne saute vraiment pas aux yeux, mais du coup le jeu est plus fin, mieux maitrisé de la part de Sheppard. Son interprétation est toute en nuance, et rend à merveille l’ambigüité de son personnage. Autour d’elle, gravitent des acteurs non moins talentueux. Mention spéciale pour Mildred Clinton, excellente elle aussi, Linda Miller, et Alphonso DeNoble. Acteur au physique hors-norme, il a un personnage décapant qui participe pleinement de l’ambiance étrange qui plane sur ce film. A noter le petit rôle de Brooke Shield.
Le scénario n’est pas mal non plus. Il soutient bien le suspens (jusqu’à la révélation du tueur qui n’intervient pas au dernier moment), s’avère dynamique et se suit avec un réel plaisir. Néanmoins dommage qu’il cède parfois aux poncifs éculés (le type qui s’approche du tueur sans avoir récupéré le couteau que ce-dernier a fait tomber par exemple !). Dans l’ensemble c’est quand même assez positif.
La mise en scène est réussie elle aussi et se permet des audaces bienvenues (la vue subjective de la victime à la fin du film). Ce n’est pas parfait, et parfois le montage apparait brouillon (le dernier meurtre en faisant partie d’ailleurs), mais malgré tout bon boulot. Il y a de la recherche, et c’est efficace. La photographie a un peu vieillie, mais il s’agit vraiment d’une patine, comme tout film ayant le même âge. Le travail sur les décors est aussi à souligner, car ils sont variés et d’une belle qualité pour voir le modeste budget du film. Quant aux meurtres, ils sont soignés. Le premier est marquant, car il s’agit d’un infanticide, mais il est conduit avec « élégance ». Pas de racolage, un meurtre sobre et réaliste (contrairement aux autres plus dans le genre slasher) qui s’avère remarquablement réalisé. Je terminerai sur la musique. Il y a un très bon travail sur la bande son qui mérite d’être souligné, avec là aussi, quelques belles audaces qui ne vont pas dans le mur. Bon boulot.
En clair Alice Sweet Alice est vraiment à voir. Assez singulier, avec des personnages bizarres (Alice bien sur, DeNoble, mais aussi les employés des pompes funèbres !), il déploie un univers étrange et pourtant très classique. Doté d’une excellente interprétation et d’un scénario qui se tient, livrant un travail formel convaincant en dépit d’un budget dérisoire, je ne peux que conseiller le visionnage du film d’Alfred Sole.