L'homme d'à côté traite du rapport humain au niveau le plus direct d'homme à homme, sans que des institutions puissent intervenir pour le parasiter. Ainsi, le propos est plus fort pour parler des individus: "Nous voulions raconter un conflit où ni la justice ni la police ne peuvent intervenir. Ici tout doit se régler à l’amiable, d’homme à homme. (...) [Les personnages] prennent conscience d’eux-mêmes dans le regard de l’autre et c’est là que commencent les problèmes. Le film est comme une boule de neige : un léger conflit s’amplifie petit à petit jusqu’à un final inattendu", expliquent les réalisateurs.
Le film parle de deux univers qui se confrontent à travers les deux protagonistes: "Leur personnalité, leur culture et leur langage sont à l’opposé. Victor, avec sa séduction amicale et sa voix suave, est plein de détermination et de tempérament. En revanche, Leonardo, qui a pourtant un grand aplomb et même une certaine arrogance dans son travail, n’arrive pas à se faire respecter dans la vie. C’est le cas avec sa femme qui le domine et sa fille qui ne l’écoute pas. S’il cherche à s’affirmer, il est finalement très faible dans la négociation."
Dans cette logique de deux mondes en opposition, le fait qu'un des acteurs vienne du théâtre et l'autre de la télévision (où ont aussi travaillé les réalisateurs) n'est bien sûr pas un hasard: comme les personnages du film, chacun doit représenter son univers, la tendance bourgeoise pour le théâtre et le côté populaire de la télévision. Gaston Duprat et Mariano Cohn confient: "Nous savions que Daniel porterait à merveille le personnage de Victor. Charismatique, dévastateur, il est doté d’une voix et d’une physionomie impressionnantes. Quant à Rafael, nous connaissions son travail au théâtre et nous étions impatients de voir ce que donnerait la rencontre. Nous les avons réunis pour un essai et il s’est tout de suite passé quelque chose."
L'homme d'à coté n'est pas le coup d'essai des réalisateurs Mariano Cohn et Gaston Duprat. Ayant commencé leur carrière ensemble à la télévision avec la création d'une émission "interactive" appelée "Television Abierta" (nom emprunté d'ailleurs par une société de coproduction du film), ils sont passés au grand écran dès 1998 avec Enciclopedia. L'homme d'à côté est leur quatrième long-métrage et fort de son succès dans les festivals, L' Artiste, leur précédent film sort sur les écrans français courant 2011, trois ans après sa sortie argentine.
Rafael Spregelburd, l'acteur qui interprète Leonardo Kachanovsky est un homme de théâtre. Il a commencé en tant qu'acteur mais s'est vite mis à l'écriture et a ainsi écrit plus d'une trentaine de pièces depuis le début des années 1990. L'une d'elle, La Estupidez (La connerie) a été un grand succès au théâtre de Chaillot en 2008.
L'acteur Daniel Araoz, l'inquiétant voisin dans le film, est à l'origine un présentateur de télévision, une sorte de Jean-Pierre Foucault argentin. Il réussi dans le film à troquer son sourire de télévision pour jouer le rôle du patibulaire Victor Chubello.
La maison dans laquelle se passe le film est appelée la "Maison Curutchet" du nom de son propriétaire. En effet, en 1948, le chirurgien Pedro Curutchet demande à l'architecte renommé Le Corbusier de lui faire construire un bâtiment sur son terrain à Buenos Aires, qui lui serve à la fois d'habitation et de petite clinique de chirurgie. Terminée en 1954, c'est la seule construction de Le Corbusier en Amérique du Sud. L'UNESCO l'a sélectionnée parmi les 19 oeuvres de l'architecte faisant partie de son dossier d'inscription au patrimoine mondial.
Les réalisateurs nous parlent du choix de cette maison comme décor de leur film: "Tourner dans la Maison Curutchet était l’idéal parce que cela accentuait le conflit de voisinage. Ce n’est pas pareil de faire un trou dans une maison quelconque ou dans un chef d’oeuvre de l’architecture mondiale. Nous voulions aussi en faire un personnage à part entière, et non un simple décor. Il y a beaucoup de scènes où la maison est seule, sans personnage. La plasticité, la lumière et la qualité spatiale de cette maison sont infernales !"
Le Corbusier (son vrai nom est Charles-Edouard Jeanneret-Gris) est un célèbre architecte à qui l'on doit un mouvement de modernisation de la construction des bâtiments, pensés autour d'une conception de la vie en société, et utilisant des éléments modernes, notamment du béton. Il a beaucoup influencé le monde de l'architecture dans les années 1940-1950 et on trouve ses réalisations dans onze pays sur quatre continents (en Amérique du Sud, c'est la Maison Curutchet qui est sa seule œuvre). L'un de ses projets les plus connus est la Cité Radieuse à Marseille.
Le personnage principal du film est designer, et c'est un fauteuil qui fait sa renommée. Le fauteuil a été conçu par un véritable jeune designer argentin du nom de Batti et s'appelle le "placentero", association incongrue des mots "placenta" et "plaisir" en raison de sa forme enveloppante et oscillante, censée donner à celui qui s'y assied le confort de la période gestationnelle.
L'homme d'à côté a reçu le Prix du Public aux 22èmes rencontres des Cinémas d'Amérique Latine de Toulouse en 2010 et a récolté la même année pas moins de cinq "Premios Sur" équivalent argentin des Oscars (Meilleur film, Meilleurs réalisateurs, meilleur acteur, meilleur espoir masculin et meilleure musique originale).
La société de production de L'homme d'à côté s'appelle Aleph Media SA. Aleph est la première lettre de l'alphabet hébreu et a surtout été utilisée par l'auteur argentin Jorge Luis Borges comme nom pour l'un de ses recueils de nouvelles les plus connus, des nouvelles éditées séparément entre 1944 et 1952, c'est-à-dire à peu près en même temps que la construction par Le Corbusier de la Maison Curutchet.