La comédie – encore plus s’il s’agit d’une comédie romantique – est un genre bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Faire rire sans plomber l’histoire, montrer des personnages intéressants qui éviteraient les clichés, avoir un scénario assez solide pour empêcher les spectateurs de se lasser au bout d’une demi-heure… Et puis, qui dit « romantique » insiste, bien sûr, sur le thème mainte fois vu d’une intrigue amoureuse. Pas si facile de signer un film original dans cette catégorie ! Crazy Stupid Love sort donc indubitablement du lot et s’ajoute à la liste des meilleures comédies de 2011 : léger, intime et burlesque, il est conçu avec talent à la manière d’une pièce de théâtre (révélations incroyables, quiproquos, retournements de situation ect…). Son scénariste – jusqu’alors méconnu – Dan Fogelman peut sûrement y voir un chemin tout tracé vers le succès, tant on aimerait voir davantage de comédies intelligentes et drôles sur nos écrans ! Désireux de ne pas suivre l’exemple de films stéréotypés et « blockbusterisés » au maximum basés sur le principe de l’entrecroisement amoureux (souvenez-vous de Valentine’s Day), les réalisateurs Glenn Ficarra et John Requa prennent le pari difficile d’innover. Ils se font un devoir de ne jamais tomber dans le cliché, ni de verser dans les idylles à l’eau de rose : ils suivent donc, pas à pas, une famille au grand complet, les Weaver, dans ses tribulations amoureuses. Du couple à la dérive formé par Steve Carrell et Julianne Moore dans leurs tentatives pour se remettre de leur séparation, aux premiers émois de leur jeune fils pour sa baby-sitter en passant par la désillusion amoureuse de l’aînée… La vie des Weaver, sentimentalement, est agitée mais plutôt réaliste et dépeint avec brio de ce que peut-être l’amour à tous les âges. Lorsque le film tombe dans les stéréotypes, c’est pour mieux s’en moquer et rebondir avec une facilité déconcertante, en insistant bien sur le grotesque de la situation. Cette vision ironique et détachée sur ce qu’est censée être « la comédie romantique américaine » se révèle rafraichissante, en y prêtant attention, on pourrait même y voir une critique plutôt féroce du genre. Les acteurs se moquent volontiers d’eux-mêmes, Ryan Gosling en tête : longtemps habitué à des rôles plus sombres, plus torturés, il malmène ici son image de tombeur sensible, la parodiant avec succès, et dévoile un sens de l’humour insoupçonné. D’ailleurs, outre son scénario malin et son sens de la dérision, on retiendra de Crazy Stupid Love son impeccable casting, d’une justesse surprenante, sur lequel les réalisateurs n’hésitent pas à s’appuyer en permanence. En tête, Steve Carrell : son relookage par le séducteur Jacob, à lui seul, vaut largement celui de Katherine Heigl dans L’abominable Vérité !… Suivi par Gosling, Emma Stone – piquante et surprenante – puis Jonah Bobo (dans le rôle du cadet des Weaver) et enfin Analeigh Tipton - la nounou dépassée. Les plus jeunes de l’équipe, talents prometteurs, devraient sans trop de difficulté s’imposer à l’écran dans les prochaines années. Les seconds rôles, quant à eux, sont absolument géniaux : Josh Groban en petit ami coincé focalisé sur son boulot, Liza Lapira en meilleure copine décomplexée, Marisa Tomei qui joue une prof anciennement alcoolique et bien sûr un Kevin Bacon énamouré, toujours au mauvais moment au mauvais endroit. A l’inverse d’Emma Stone ou d’Analeigh Tipton, qui bénéficient de rôles vraiment intéressants, Julianne Moore ne brille pas par sa présence : son personnage fade, simplet et insignifiant, se perd au milieu de ce casting pimpant. Crazy Stupid Love se perd aussi parfois, notamment dans des moments trop longuets, où une baisse de rythme est visible, mais réussi toujours à relever le niveau en enchaînant sur une scène drôle ou surprenante. Un film inégal donc mais rafraichissant et railleur, dont la comédie romantique avait grand besoin !