A Londres, un jeune chirurgien, le docteur Frederick Treves (Anthony Hopkins), trouve dans une fête foraine dont il est l'attraction, un jeune homme monstrueusement déformé. Il l'examine, l'emmène avec lui et découvre qu'il a en face de lui un être timide et craintif mais sensible, qui sait penser et parler, qui aime lire et discuter et crée des oeuvres d'art sur papier de sa main gauche restée intacte. Elephant man est basé sur l'histoire véridique de Joseph Carey Merrick, né en 1862 à Leicester et souffrant d'une forme aïgue de neurofibromatose, une maladie caractérisée par des tumeurs cutanées et des lésions osseuses. Frederick Treves le découvrit en 1884 dans une baraque foraine. En 1923, le médecin fit paraître ses mémoires "The elephant man and other Reminiscences" lesquelles, avec le livre "The Elephant Man : A study in human dignity" d'Ashley Montagu ont servi de modèle au film. C'est avec une profonde sensibilité que le réalisateur David Lynch nous montre cet être atrocement déformé. Durant les premières trentes minutes, nous ne voyons que les réactions de ceux qui sont en face de Merrick, ainsi, lorsque nous apercevons enfin son visage, nous connaissons déjà sa personnalité attachante et il ne nous effraie plus. Comme l'a dit David Lynch : "Il s'agissait de familiariser le public avec le monstre, afin que le monstre puisse disparaître et l'homme apparaître". Néanmoins, le martyre du pauvre homme ne touche pas à sa fin quand Treves l'emmène avec lui, puisqu'il est enfermé à l'hôpital où il devra satisfaire la curiosité des savants de la société de pathologie qui le considèrent comme un bel objet d'études, ainsi que la curiosité des membres de la haute société londonnienne qui trouvent chic d'aller de temps en temps prendre le thé avec le "monstre", sans oublier enfin la curiosité des prostituées et des ivrognes que le surveillant de l'hôpital laisse entrer afin qu'ils puissent le contempler aux aussi. Elephant man a un aspect particulièrement "historique" : les zones d'ombre et de lumière sont extrêmement prononcées, la lumière est douce, et souvent les arrières plans disparaissent dans un espace lumineux et diffus. Ceci est l'oeuvre du chef opérateur Freddie Francis (1917-2007). Les effets sonores renforcent l'étrangeté de l'ensemble. Elephant man est un pur chef d'oeuvre original et bouleversant, aussi émouvant sur le plan émotionnel qu'admirable sur le plan de la composition et de l'esthétique, il jette un regard sans concession sur l'angleterre victorienne, il valut à Lynch la reconnaissance internationale et ce fut paradoxalement la révélation, dans le rôle de John Merrick, du comédien John Hurt, méconnaissable sous le amquillage hallucinant créé par Christopher Tucker. Il livre une interprétation magnifique car il communique magistralement des émotions profondes alors qu'il est gêné par l'impossibilité d'utiliser son visage ou même beaucoup de sa voix. Si l'on excepte des séquences de visions au début et à la fin ainsi que les scènes de cauchemar au milieu, le film est raconté de manière naturaliste et fait revivre en images pleines d'ambiance le Londres des années 1880. Le chef opérateur et directeur de la photographie Freddie Francis, les costumiers et ensembliers (tous nominés pour un oscar) ont créé une oeuvre hors du commun. Dans ce film, nominé pour 8 oscars mais qui n'en obtint aucun, Lynch rend hommage à deux grandes oeuvres apparentées sur le plan thématique : Merrick habite dans un clocher comme Quasimodo (The hunback of Notre Dame, 1939) de William Dieterle; une scène où d'autres "monstres de foire" libèrent Merrick enfermé dans sa cage fait allusion à Freaks (La monstrueuse parade, 1932), le grand classique de Tod Browning. Ce film m'a énormément touché, il est incontestablement à découvrir. Le moment le plus marquant du film reste sans doute celui où John Merrick s'exprime devant la foule qui le poursuit en disant : "Je ne suis pas un animal ! Je suis un être humain ! Je suis un homme !"