Culte de chez culte, magnifique de chez magnifique. Il était temps que je voie ce chef d'oeuvre du 7e art réalisé en 1980 par l'un des plus grands cinéastes : David Lynch. J'ai été captivé d'un bout à l'autre par ce film profondément humain et touchant, basé sur l'histoire vraie de John Merrick, un homme au visage et corps complètement difformes. Le film se situe à Londres et s'ouvre sur une scène qui calme dès le départ car on est directement plongés dans l'univers déjanté et psychédélique de David Lynch, presque terrifiant avec ces éléphants qui se frottent et une femme qui crie au ralenti. Très spécial, presque glauque mais au moins on sait à quel cinéaste on a affaire et ça fait plaisir. Bref, tout le film est bien sûr centré autour de cet homme, cet Elephant Man d'abord considéré comme une bête de foire, puis pris en charge par le Docteur Treves incarné par le génialissime Anthony Hopkins. C'est lui qui fait tout le début du film à lui seul, avec ses yeux emplis de compassion et de larmes également (la scène où il découvre The Elephant Man pour la première fois et pleure est déjà poignante alors qu'on entame juste le film). Bref, l'évolution de Treves est elle-même intéressante, lorsqu'il se demande s'il est bon ou mauvais et si inconsciemment il ne reproduit pas avec Merrick la même chose que l'injustice qu'il dénonce. Mais c'est bien l'évolution du "monstre" qui est passionnante, car l'Homme-Eléphant devient peu à peu John Merrick à nos yeux. Ce personnage qui est vu initialement comme un monstre au milieu d'humains va finir par devenir un humain au milieu de monstres, et rien que pour ça le propos du film est sublime. De même, l'avis de Treves concernant John est au départ hâtif, puisqu'il pense que Merrick est un "idiot", et qu'il est d'ailleurs mieux pour lui de ne pas avoir conscience de sa situation. Chose qui est démentie avec horreur lorsque ce dernier récite le psaume 23 avec perfection. Cette scène est évidemment magnifique, c'est d'ailleurs le passage clé du film, le moment où Elephant Man se dévoile et donne sa première opinion sur quelque chose. Pour la première fois de sa vie, il est autorisé à s'exprimer et ça rend vraiment ce déclic magnifique. Ce personnage est l'incarnation de la bonté et de la gentillesse, il n'éprouve pas la colère et semble penser qu'il mérite tout ce qui lui arrive, ce qui le rend des plus attachants et des plus humains, malgré son physique disgracieux. Le film fait un peu de place à l'horreur, avec un passage particulièrement moche et traumatisant, lorsque Bytes reprend possession de sa bête de foire et le martyrise comme sur un marché d'esclave, puis l'enferme dans une cage avec des singes terrifiants. On a également un grand nombre de scènes poignantes, notamment lorsqu'il se met à pleurer car il n'a "jamais été traité aussi bien par une jolie femme", et qu'elle se met à pleurer également. J'étais pas loin de pleurer moi-même, je crois. Autre scène d'anthologie, bien sûr (comment ne pas en parler ?), la célèbre réplique "Je ne suis pas un éléphant... Je ne suis pas un animal... Je suis un être humain, je suis un homme !" lancée aux londoniens qui tentent de le battre. Un summum d'humanité rarement égalé au cinéma. John Hurt, qui joue le rôle principal, est impressionnant. Bref, David Lynch nous a pondu un sacré chef d'oeuvre, sans oublier la fin des plus somptueuses, où John décide de partir au moment où il vient de se faire applaudir par la foule du théâtre, au crépuscule du jour le plus beau de sa vie. Il regarde la beauté de sa mère, lui pardonne de l'avoir abandonné et s'éteint avec l'un des suicides les plus poétiques et émouvants que j'ai pu voir. Bref, un film parfait.