Ce film, qui était en 1919 une pièce de théâtre de Sacha Guitry, fit les délices du public bourgeois dans la trouble période d'avant-guerre. Mon père avait raison déplaît généralement aux théoriciens du cinéma, aux amateurs d'esthétique et aux puristes de la forme. Cela est tout à fait compréhensible: l'espace est le même, l'écoulement du temps ne peut se saisir que par l'intermédiaire des dialogues et des visages dont l'expression est moyennement travaillée, le noir et blanc est convenu et la trame oscille entre badinage, mensonge et l'histoire d'une famille brisée comme il y en a tant. Malgré tout, on aurait tort d'arrêter l'analyse ici car on risquerait de passer à côté d'un véritable bijou d'intelligence. En effet, au-delà de la faiblesse plastique indéniable, Mon père avait raison est une méditation très profonde sur la vieillesse, le bonheur, l'amour, l'amitié, les femmes et, plus fondamentalement, la vie elle-même. Sacha Guitry réalise un film profondément philosophique orné de dialogues sublimes, lesquels nous feraient presque oublier que le réalisateur lui-même était d'un narcissisme outrancier. Outre cela, il y a dans l'image, dans l'élocution des protagonistes, dans les décors un je-ne-sais-quoi de désuet qui nimbe ce film d'un charme tout à fait particulier. Si Mon père avait raison n'est pas un chef-d'œuvre, y compris au sein même de la filmographie de Sacha Guitry, il n'en reste pas moins une formidable invitation à jouir de chaque instant de la vie et à cultiver un bonheur élevé, sans mièvres illusions; ce qui n'est pas sans rappeler des thèses philosophiques comme celles de John Stuart Mill par exemple. Un film agréable que l'on peut savourer pour peu qu'on se laisse prendre au jeu.