En progrès par rapport à J'ai tué ma mère, Les Amours Imaginaires arrive à conjuguer le style ostentatoire de Dolan avec un sujet qui lui donne une prise correcte : le fantasme amoureux. L'amour y est retourné comme un gant, débarrassé du maquillage dont on le recouvre, ramené à ce qu'il est est si on l'ausculte avec le recul du philosophe désillusionné ; un grand jeu pathétique, un siphon intérieur, le mépris de tout ce qui n'est pas soi. L'hystérie propre à Dolan est alors tout à fait à sa place, et ses excès s'unissent par moments dans une dérision cynique qui note déjà combien son cinéma a abandonné le narcissisme pour prendre un peu plus de recul. Ce regard drolatique permet même, lorsque Dolan se fait moins condamnatoire vis à vis de ce qu'il filme, de laisser affleurer un soupçon d'émotion pathétique, de reconnaissance subreptice d'une douleur enfouie mais presque mise à jour chez ses protagonistes. Maintenant, c'est trop peu, trop peu d'émotion, trop peu d'empathie. Parce que le cachet cynique du film n'est pas développé comme son cœur mais semble juste se vouloir comme l'une des dimensions d'un édifice complexe. Le problème, c'est que le reste du temps, Dolan n'émeut pas comme il parait le vouloir. Son film ressemble bel et bien à un tableau de la jeunesse amoureuse, mais perçu bien plus par l’œil d'une intelligence extérieure que par le cœur de celui qui la vit. C'est tout le souci de ce jeune auteur, qui voudrait imposer comme une marque sa jeunesse et son univers pop/bourgeois/artiste tout en prétendant au recul et et à la maîtrise d'un réalisateur accompli. Trop tard ; dès lors qu'on les pèse, qu'on les décore, qu'on les manipule, les sentiments se figent en surface, s'étalent pour tout recouvrir d'un vernis sans pore, sans respiration. Cependant, il y a déjà du mieux ; le personnage de Dolan, beaucoup plus en retenue que dans son premier film, me laisse entrevoir le début d'une certaine maturité, l'abandon d'une pose excentrique et d'un enfermement au sein de son propre univers que je souhaite vraiment voir Dolan éviter, et qui semble (même si je ne l'ai pas vu) avoir trouvé un beau point d'orgue dans Mommy. Etre adulé si jeune est sans doute dangereux, parce qu'on se prend forcément au jeu et qu'on adopte la figure du génie précoce censé étonner et séduire par son anticonformisme et l'ultra-sensibilité qu'on lui imagine. On s'habille souvent du regard des autres, jusqu'à même le porter sur son âme et laisser celle-ci s'en trouver altérée, puis finalement se métamorphoser. Je ne dis pas que ces films ne reflètent pas sa personnalité et que Dolan joue un rôle, bien au contraire. Simplement que le battage médiatique parait plutôt le porter à s'enfermer dans son univers que de le communiquer avec modestie et sincérité. En tout cas, l'émotion doit venir de beaucoup, beaucoup plus loin pour espérer impacter. Encore trop arty, pas assez juste, tout simplement.