C'est avec beaucoup d'enthousiasme - trop? - que "Putty Hill" arrive sur les écrans français, louangé comme un véritable renouveau du cinéma indépendant américain par moult plumes et festivals. Sauf erreur de ma part et, il faut le dire, je ne vois pas dans le futur, cette oeuvre-croquis d'un jeune cinéaste débrouillard ne marquera pas l'histoire du cinéma en ce début de siècle. L'auteur y affiche une belle idée, toute simple : faire parler autour d'un jeune homme décédé une mosaïque de personnages liés de près ou de loin, jusqu'à devenir une évocation portraitiste de la population de Baltimore, dépeinte par le verbe fictif de comédiens simulant l'interview. Le disparu en question, qu'on ne verra jamais car le film substitue le hors-champ à la reconstitution, prend vie peu à peu, la narration aléatoire nourrissant le personnage fantôme de quelques indices finalement sans grande importance. Le but du film (dont on ne sait jamais s'il est plus un film qu'un exercice) n'est donc pas d'expliquer pourquoi, où, comment, ni même de chercher à constituer une émotion factice autour du deuil. Un peu comme chez Larry Clark mais sans brutalité ni dramaturgie fondée, Matthew Porterfield ne filme que le désenchantement de jeunes et d'adultes souvent prolos, évacuant le plus possible la notion de moralité pour ne rendre à l'écran, sans réelle fulgurances, qu'une addition objective de données sociales et familiales. Si la mise en scène se révèle étonamment juste contrairement à ce que pouvait laisser craindre le dispositif narratif et filmique, Matthew Porterfield peine en revanche à donner à "Putty Hill" une véritable raison d'être. La substance du film nous échappe parfois tant il ne fait que scruter tout en se refusant à l'enquête ou au documentaire, comme si la radiographie était vouée à l'échec d'un sens quelconque. La mixité entre fiction et réalité n'aboutit qu'à une étude desservant chaque personnage au-delà du temps de parole qui lui est accordé. Les comédiens sont étonnants de naturel mais ne parviennent pas à faire oublier le prétexte du film, la mort d'un être qui devient l'anecdote d'un cinéaste plus intéressé à décrypter qu'à réellement comprendre les faits en mettant en scène des situations. Le final, perdu dans la nuit, a beau être d'une véritable force picturale, on ne sait pas vraiment ce qu'on y fait tant le fantôme, malgré l'abondance de paroles qui lui sont destinées tout du long, n'a jamais existé à nos yeux, n'a jamais été incarné dans notre esprit par les autres personnages gravitant tout autour. Le film reste toutefois un exemple d'économie de moyens tout en optant pour une approche inventive qui n'est pas si courante dans le fameux dialogue du docu-fiction où la facilité est de mise, et la juxtaposition des deux modes souvent un prétexte censé masquer une totale incapacité à raconter une histoire.