Avec "Steak", Quentin Dupieux avait déjà proposé un exemple de son cinéma en nous livrant une comédie absurde et légère, une petite bouffée d’air frais au sein d’un cinéma français assez formaté. Mais ce n’est rien comparé à son nouveau bébé : "Rubber".
Dès le début du film, lors de son intro, un personnage nous prévient sans concessions : nous allons assister à un spectacle qui n’a aucun sens. Il ne faut donc pas chercher de raisons, d’essayer de comprendre, il faut juste se laisser aller…et oui car "Rubber" est un hymne au « non sens », une expérience visuelle et sensorielle hors norme pouvant être considérée comme une sorte de mélange entre les univers de David Lynch et le comique absurde des Monty Python, tout ça saupoudré de David Cronenberg : on suit dans le désert un pneu qui prend vie et découvre le monde autour de lui ainsi qu’il possède une espèce de don « psionique » lui permettant d’effectuer des attaques télékinésiques. Délirant ? Oui, mais on nous a prévenu au début : il n’y a pas de raison. Et c’est l’occasion de nous proposer un enchaînement de scènes et dialogues loufoques qui seraient insipides dans un film normal, mais presque logiques ici. Ce qui est encore plus surprenant c’est que tout ce « non sens » est filmé d’une façon quasi parfaite : plans impeccables cadrés au millimètre, esthétique très simple et épurée, nous n’avons pas un festival de mouvements de caméras vomitifs ou de filtres de couleurs flashy à mort…pourtant ça serait là aussi du « non sens ». Dupieux a compris que pour aider le spectateur à accepter son concept, il fallait au moins que son immersion soit totale, et non pas un véritable calvaire leur explosant le cerveau. Et c’est cette intelligence qui fait de "Rubber" une œuvre étrange mais non dénuée d’intérêt…tout comme pourrait l’être un poème. Mais attention, cela ne signifie pas que ce road-movie abscons n'est qu'un exercice de style : autre preuve d’intelligence, Dupieux décide de faire de son film sans sens une critique du cinéma actuel (en gros pourquoi un film présenté comme sans sens et étant comme tel serait plus mauvais que des films soi-disant sérieux mais totalement vide de sens dans les faits ?), et pour cela, il nous met à contribution (comme des « témoins ») par une mise en abyme avec les spectateurs « dans le film » avec leurs jumelles, dont les joutes orales délicieusement décalées renvoient directement aux critiques qu’un film ne peut que faire face après projection. Idée véritablement excellente…comme ce film.
Véritable OFNI original, surprenant et déroutant,"Rubber" est un film qui s’assume pleinement malgré son concept casse-gueule (un pneu qui tue des gens !!) ; et c’est assez couillu de la part de Quentin Dupieux de tenter la chose alors qu’aujourd’hui, dans le cinéma français est formaté pour ne pas donner vie à des films de genre (fausse idée culturelle, contraintes budgétaires, obligations « traditionnelles » de faire du drame, du psychologique, du réaliste ou du social). Quentin Notre ami s'en tire même merveilleusement bien…pour faire une blague naze, je dirais que Dupieux ne s’est jamais dégonflé !! Alors oui je mets 5 étoiles ! Oui je dis bravo à Dupieux !! OUI j’ai aimé ce film !!! Et vous voulez savoir pourquoi ?....simple : aucune raison.