"Why can't we see the air all around us ?" "Rubber", deuxième long-métrage du réalisateur français Quentin Dupieux alias Mr Oizo (son nom de scène, car il est avant tout un artiste de musique electro), est une sacrée surprise. Pourquoi ? Parce que "Steak", son premier film, est un navet total : propos confus, dialogues foireux, mise en scène plate. Suite à un étron cinématographique aussi gluant que celui-ci, comment s'attendre à autre chose qu'une nouvelle merde ? Et pourtant... Trois ans plus tard, Dupieux revient à la charge avec d'autres armes en main : un casting américain haut de gamme et un concept absolument dingue. Dès la première scène, un prologue absurde où l'un des protagonistes s'adresse directement au spectateur, le non-sens du film est justifié par une sorte de devise : "Aucune raison". Pourquoi voit-on dans ce film un pneu vivant et, plus fou encore, doté de pouvoirs télékinésiques alors que c'est scientifiquement impossible (si si, je vous assure) ? Aucune raison. Pourquoi un groupe de spectateurs regarde-t-il un "film" à travers des jumelles au beau milieu du désert sans réserve de nourriture ? Je croyais avoir été clair : aucune raison. Pourquoi... bla, bla... bla. Comme le dit très bien le "flic" dans l'introduction, "Rubber" est un "hommage au "aucune raison"", autrement dit au non-sense : situations improbables, répliques sorties de nulle part, réactions à côté de la plaque, rebondissements WTF... Vous me direz, ça ne suffit pas à faire un film. C'est tout à fait vrai, aussi vous pouvez d'ores et déjà vous rassurer : "Rubber" ne se limite pas à son simple statut d'OVNI : son rythme lent mais obsessionnel en font un superbe film d'atmosphère, tandis que sa photographie et ses idées de plan ingénieuses l'élèvent au rang de chef-d'oeuvre visuel. Plus surprenant encore, Dupieux parvient à donner une âme et une réelle profondeur à son héros ; c'est assez extraordinaire d'humaniser un pneu, non ? Bien sûr, il serait malhonnête de prétendre que ce film est parfait ; on sent bien quelques fois que Dupieux meuble le vide, mais qu'importe : le pari est gagné et le spectateur que je suis adhère complètement. Comédie absurde dont la réalisation oscille entre film fantastique et film d'horreur, western et polar, "Rubber" est un film aussi gonflé que réussi, à mille lieues des banalités aseptisées auxquelles le cinéma français nous a habitués depuis quelques années.