RAMER : Peut servir dans le cadre d'une barque et desservir dans celui d'une vie. « Les géants » c'est avant tout l'amitié portée à son apogée, là où rien n'atteint. C'est l'histoire de trois jeunes paumés, amoureux de la vie, heureux d'être sur cette terre pour s'y amuser, rendre les instants plus facile à porter. Jamais méchant, cruel, malsain, ils sont jeunes et le portent entre eux ; trop jeune peut-être pour que leur cœur sache s'acclimater à ce monde d'adulte, cette écorce pétrifiante. C'est la tendresse adolescente incarcérée dans la prison des Hommes, un sourire, un éclat, un soleil dans la noirceur et la colère de ceux à qui la vie ne réserve plus rien. Et c'est à travers cette opposition constante que le film navigue : le monde à venir et le mort, le passé, toujours triste, haineux, sale et méphitique. Cette bande de potes alors, à hue et à dia sur les flots de l'existence, essaye de vivre, de boire la calice encore frais de leur jeunesse, de le consumer jusqu'à la moelle, de le détruire, sachant bien quel futur, quel désastre surement les attend. Ils avancent, dans la saleté des vociférations immondes, à travers de somptueux paysage, un buisson qui chante, une brindille qui frémit, une pluie qui lave. Peut-être n'y a t-il rien d'autre à faire que d'espérer, se battre, jouir, la jouissance dans l'immédiat, maintenant, c'est ce qu'ils veulent, c'est ce qu'ils ont parfois. Ce sont eux « les géants » et nous, les voyeuristes, vaguement tristes, sentant bien que quelque chose s'échappe. Le souffle de la vie, le souffle de la souffrance, le souffle de trois gamins voulant saisir l'éphémère. Et quelques instants de grâce, suprême, sublime, un paysage, un arrêt, une image, un regard, un horizon qui ne promet rien encore mais qui est.