A l'écran, l'acteur belge Bouli Lanners se montre tout à son aise aussi bien dans des rôles comiques ("Enfermés dehors", "J'ai toujours rêvé d'être un gangster", "Rien à déclarer") que dans des compositions plus sombres ("De rouille et d'os", "11.6", "Des vents contraires"). Il ne montre aucune difficulté à incarner la gravité comme à personnifier la bonhomie. C'est aussi vrai lorsque ce barbu à la chevelure hirsute et à la silhouette rondouillarde passe de l'autre côté de la caméra. Avec "LES GÉANTS", son troisième long-métrage en tant que réalisateur, le wallon démontre pleinement cette propension à passer de la légèreté au dramatique en un clin d’œil.
Il plane sur "LES GÉANTS" l'ombre d'un certain Terrence Malick pour cette aptitude qu'à Bouli Lanners à filmer Dame Nature comme un personnage à part entière. En effet, dès les plans d'ouverture, la caméra s'attarde, que ce soit en gros plans ou en Scope, sur des brins d'herbe et des étendues de verdure, sous un ciel bleu clairsemé de quelques nuages, accompagné par le bruit sourd du vent et quelques notes de guitare sèche. La nature comme un symbole de l'infinie liberté dont les bras se tendent vers les jeunes anti-héros de ce film à la fois fort et simple. Rejetés par le monde adulte, délaissés par les figures parentales, ces trois lascars livrés à eux-mêmes s'embarquent alors dans une sorte de voyage initiatique qui les mènera, une fois tous les (dangereux) obstacles traversés, vers l'abolissement de leurs chaînes. Ils vogueront ainsi au cœur des magnifiques paysages forestiers et campagnards des Ardennes belges sublimement captés par le réalisateur via une photographie très naturaliste ; entre la terre, l'eau et l'air, et joueront sans cesse avec le feu.
Les géants du film en question, ce sont bel et bien ces gamins plombés par l'ennui et en quête d'aventure, les adultes n'étant que très peu représentés ici. Et lorsqu'ils le sont, c'est le plus souvent sous les traits de personnages bêtes, violents et immoraux. A l'image d'un conte cruel, ils sont des monstres, des sorcières, des ogres - hormis le personnage de Marthe Keller, sorte de Marraine la Bonne Fée -, oppressant de par leurs malsains intentions ces petits poucets en passe de perdre leur innocence. A la recherche d'un peu d'amour maternel, d'un tant soit peu d'attention, autre que des coups, de la part de leurs aînés, ces trois ados sont, pour ne rien gâcher, campés par de jeunes acteurs attachants, livrant des performances pleines de naturel, le jeune Zacharie Chasseriaud en tête. Avec une certaine maturité et une grosse dose de fraîcheur, ces trois inconnus du grand public sont les vraies révélations de ce film grave et drôle. Certes, le propos peut parfois un peu sonner irréaliste et incohérent (notamment les parents qui laissent complètement leurs enfants à l'abandon durant des mois dans une maison de campagne), mais Bouli Lanners confirme qu'à la mise en scène, il peut lui aussi devenir un géant.
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