Mythique. Il ne s’agit pas du film mais bien de l’aura de Godzilla. Devenu monstre le plus célèbre de tous les temps (au niveau cinématographique, s’entend), il a connu moult réécritures. Hélas, encore une fois au niveau cinématographique, on ne peut pas dire que les films méritaient d’intégrer le panthéon du septième art, le dernier en date étant celui de Roland Emmerich et qui, comme tout bon film de Roland Emmerich qui se respecte, était mauvais. Cela dit, la Warner entend cette fois donner du hype à son film. Pour les cinéphiles du dimanche, il se présentera sous la forme de Bryan Cranston, fort de son succès dans la série Breaking Bad, argument de vente à lui seul. Pour les cinéphiles de tous les jours, cela sera la venue de Gareth Edwards qui a su se faire remarquer avec MONSTERS. Du beau monde.
Il est très étonnant (bon pas trop en fait) d’être témoin d’une absence de qualité flagrante. Si le début reste assez convaincant, l’ambiance installée s’estompe petit à petit, la faute à un scénario qui ne parvient pas à scinder plusieurs fils narratifs au sein d’une même corde dramaturgique. Nait alors cette sensation bizarre de suivre plusieurs films à la fois. Impossible de ce fait d’ancrer le spectateur dans ce squelette scénaristique démantelé, caractérisé également par une progression du récit mal dosée. La disparition du découpage des actes n’est pas vraiment un problème, ce qui empêche ce GODZILLA de donner de l’ampleur à son histoire, c’est bien la stagnation du récit, une fainéantise d’autant plus rébarbative que l’écriture s’immisce gentiment dans l’univers du cliché. Difficile alors d’attester de l’honnêteté de ce remake qui semble vouloir rester dans un classique inassumé là où un renouvellement aurait apporté beaucoup plus. Nous avons ainsi droit au cliché du scientifique tellement absorbé par son travail qu’il oublie un anniversaire. Un cliché qui se fait discret, mais un cliché quand même. Un point en moins pour toi film. Dans un niveau plus abordable viennent les clichés de la famille qui n’arrive pas à transcender un deuil et bien sûr, le fameux conflit entre les militaires et les scientifiques : « Frappe nucléaire » dit le général, « Souvenez-vous d’Hiroshima » dit le scientifique (référence en bois dans ta face, spectateur). Tout cela ne fait que prouver l’absence d’imagination et de personnalité d’un film qui s’enfonce lentement dans le blockbuster mainstream croulant sous les poncifs éculés, comme un aveu de faiblesse d’écriture et de désintérêt de l’histoire. Cela se ressent d’ailleurs à travers les personnages caricaturaux, notamment le personnage de Ford Brody, incarné par Aaron Taylor-Johnson, militaire aimant sa famille et son pays (ça alors). Point aidé par le jeu de l’acteur, restant assez inexpressif, il est intégré dans des missions militaires uniquement parce que c’est le personnage principal. Les autres protagonistes ne présentent rien d’intéressant. Enfin il y a de quoi être atterré par le traitement proposé à Godzilla. Ce dernier passe en effet pour un spectateur, un invité dont on ne sait pas trop quoi faire, apparaissant juste pour tenter de combler le vide de certaines scènes. Ce qui est quand même dingue quand on sait que le film s’appelle GODZILLA. Et ce n’est même pas une histoire de déception par rapport à ce qu’on nous avait promis. Ici le film s’appelle GODZILLA, ça doit donc être un film sur Godzilla. Or après visionnage, un titre plus approprié serait : « Des militaires faisant des choses inintéressantes et éventuellement, de temps en temps, mais pas trop quand même, disons dix minutes en tout, un monstre ». Nous constatons une indifférence totale à l’égard du monstre culte. Ce dernier ne peut ainsi rien mettre en valeur, et le message le personnifiant comme force de la nature rétablissant l’équilibre tombe à plat.
Gareth Edwards semble alors perdu dans ce rouleau compresseur de neutralité, sa réalisation s’accorde avec le scénario et ne donne pas à Godzilla la place qu’il mérite. Il y a bien deux effets de mise en scène réussis…sur deux heures de film. Voulant jouer sur les rapports d’échelle, la réalisation s’avère manquer de force assez tôt, coupant dans le vif et inutilement les rares élans de bravoure. De même que la musique composée par Alexandre Desplat passe totalement inaperçue, n’octroyant jamais au film la puissance nécessaire pour donner un impact viscéral au long-métrage. Que dire alors du climax filmé de nuit, en pleine obscurité, avec de la poussière omniprésente. Et quand il y a de la poussière, on ne peut pas voir, encore moins lorsqu’il n’y a rien à voir. C’est ainsi un manque d’ambition flagrant qui nous est servi, aussi bien d’un point de vue scénaristique que dans la réalisation. A quoi bon s’attaquer à un monstre mythique et dénicher un réalisateur original pour finalement livrer ni plus ni moins qu’un blockbuster de bas étage, vide et sans personnalité.
La machine hollywoodienne, bien que tentant des choses, se heurte au même problème, elle ne sait pas raconter une histoire. Lors d’une interview accordé à Cinema Teaser, Gareth Edwards avait déclaré « Si quand vous regardez ce film, vous n’avez pas les larmes aux yeux, ni des frissons, c’est que j’aurai échoué ». Nous savons tous ce qu’il en est. Il y a donc de quoi s’indigner quand un grand monsieur comme Andy Serkis enfile le costume de Godzilla et n’est pas honoré, encore plus de voir qu’après THE HOST, un film de monstre aussi faible puisse voir le jour.