Godzilla, Gojira pour les intimes, est un nom qui fait fantasmer. Le monstre a sa statue à Ginza, un quartier de Tokyo, une étoile à Hollywood (marrant quand on sait qu’il représente l’envahisseur américain), un paquet de films à son actif. Allégorie des ravages causés par les armes nucléaires sortie de la plaie encore chaude des bombardements d’Hiroshima et de Nagazaki (le 1er Godzilla est sorti 9 ans après les évènements), c’est le King des Kaiju Eiga, l’un des monstres les plus populaires du cinéma mondial.Alors, permettez-moi une parenthèse : avec tout le monde qui utilise à la pelle le terme Kaiju Eiga il est temps de faire un peu d’étymologie dans ce monde de brutes sous culturées (oui je sais on dit cultivées, c’est de l’auto dérision). Eiga désigne le cinéma, Kaijuu le monstre, mais aussi par extension l’impondérable, l’évènement de la nature devant lequel on est démuni. De par là même, Kaiju Eiga désigne à la fois un film de monstres et un film catastrophe. On s’en serait douté en même temps. Même dans une adaptation TV de Plus Belle La Vie, de Campin Paradis ou de Joséphine Ange gardien, les films de monstres riment souvent avec un enchainement de destruction totale et de chaos indescriptible. Dans le cas des derniers, on parle bien sûr au sens figuré du terme.Après que Emmerich ait bien récupéré le projet de remake négocié dur avec la Tôhô et sur le point d’échouer. Après qu’il ait bien tout remanié avec ses idées pourries, ses gros clichés et son bashing français à la mords-moi-le-nœud et filmé d’une des purges les plus incroyables du cinéma de monstres, le souvenir de Godzilla a pris une bonne décharge de chevrotine dans l’aile voire même dans les deux. Je craignais alors vraiment le pire avant de voir les premières bandes-annonces qui étaient vraiment alléchantes et de plonger mon derrière dans les moelleux sièges de la salle de cinéma où j’ai mes habitudes. Mais n’a pas la grâce pour faire de la daube comme Emmerich qui veut. C’est tout de même un talent.Très vite, ce Godzilla des années 2010, plante le décor. Le ton est sérieux, ténébreux, façon dark Knight begins et peu importe si c’est pas un nom de film. C’est beau, c’est bien filmé, la première partie avec Bryan Cranston, Binoche, est angoissante, terrible. le scénario se déroule parfaitement jusqu’à la fin, mais pourtant, le bas blesse tout de même. Le film se prend vraiment trop au sérieux. Là où un film comme Pacific Rim nous en donnait pour notre argent, Godzilla est frustrant sur beaucoup d’aspects. Si la scène finale nous offre enfin des scènes de batailles dantesques, les 1h35 pour y arriver se révèlent terriblement longues et servies par des acteurs, qui disons-le honnêtement, ont autant d’impact sur l’histoire qu’une mouche qui s’écrase sur le pare-brise d’un 747-400 au décollage. Quelle sous-exploitation de grands acteurs et je ne parle pas de Aaron-Taylor Johnson qui aurait mieux fait de rester dans Kick-Ass.Que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Franchement, ce Godzilla est très regardable, mais vraiment beaucoup trop « intello » et dramatique, c’est un divertissement agréable, mais pas à la hauteur du mythe soulevé par Godzizi. Il manque franchement de ce pour quoi l’on vient voir un tel film. À savoir des fights violents façon King Of Monsters sur Neo-Geo, des bestioles qui se ravagent la gueule en écrasant des humains à la pelle. On veut du gore, du sang, des immeubles qui s’écroulent dans tous les sens et pas de la suggestion façon dents de la mer. On ne vend pas le même monstre, on ne vend pas la même crainte d’un tueur invisible, mais bien celle d’un mastodonte géant. On montre un mastodonte géant, on ne le suggère pas. Pas tout au long du film en tout cas. Deux heures de film pour 20 minutes de Godzilla c’est tout de même un peu se foutre de la gueule du monde. Prendre Godzilla à contrepatte oui, ne pas en faire la star du film, non.Le passage à Hawaii est tellement représentatif de ce manque de couilles et d’imagination que l’on a envie de prendre Godzilla par la papatte et de lui faire traverser Honolulu en le faisant arriver par la plage et ravager la skyline du bord de mer pour dégager la vue aux maisons situées dans les hauts. On en envie de voir des surfeurs de pipeline glisser sur les vagues qu’il soulève. On a envie de Voir Godzilla tenter de noyer le MUTO dans la baie ou de lui écraser la gueule sous un building. Au lieu de ça, on se tape une scène de nuit, dans la jungle, improbable, frustrante, inutile, juste parce que Hawaii est sur le trajet de la côte ouest des USA. Le syndrome nocturne qui enveloppe le film de son aura de mystère a fait son temps croyez moi.Le film regorge de ces actes manqués, de ces passages qui auraient pu être formidables avec l’image dont bénéficie de film, mais qui manque de pot, retombent complètement à plat comme si le réalisateur n’osait pas, de s’assumait pas, par manque de confiance ou de conviction. Par paresse ou par manque d’imagination. Quand on a un bébé comme Godzilla dans les bras, on ose, peut importe si ça fait abusé, ce ne sera jamais pire qu’Emmerich de toute façon. Jamais !