Le jeune réalisateur de Monsters, Gareth Edwards signe pour une grosse production, pas des moindres, puisqu’il s’agit de mettre en scène une nouvelle version du mythe Godzilla. Concrètement, cette entreprise était parfaitement dans les cordes du metteur en scène, ayant tout à prouver mais ayant aussi une certaine philosophie à apporter à ce nouveau Blockbuster. On rapprochera par ailleurs le permier film du réalisateur et celui-ci pour un certain nombre de similitudes. Quoiqu’il en soit, la légende du gigantesque lézard, toute droite venue du Japon, est ici adaptée, retournée, réorientée en vue d’une nouvelle approche narrative. Le géant monstrueux n’est qu’un élément du récit, à l’inverse du destructeur bête et méchant de l’indigeste pamphlet éponyme de Roland Emmerich. Pour autant, si l’approche est plus subtile, Godzilla, dans sa version 2014, demeure tout de même un long métrage aussi bruyant qu’invraisemblable.
En pleine décadence, soit en empilant les séquences de destruction massive, au Japon, d’abord, puis à Hawaï et San Francisco, le cinéaste fonctionne très clairement dans le sens du grand spectacle, à l’instar de Guillermo Del Toro pour Pacific Rim. Les deux films sont, évidemment, très similaires, chacun ayant de quoi distraire tout en abrutissant d’une autre part. En ce sens, seul la créature compte, le casting étant dans les rangs pour l’agrémentation d’un produit qui mise sur le spectaculaire. Bryan Cranston, dont le nom était symbole d’espoir, Juliette Binoche, Aaron Taylor-Johnson, Elizabeth Olsen, Ken Watanabe, tous ne servent à rien. A peu de choses près. Oui, il sont des fourmis dans un conflit de géants, de la chair à canon dont seul l’héroïsme de l’un d’entre eux ira à l’encontre du principe de démolition. Et même alors, quand le jeune héros incarné par Aaron ‘’Kick Ass’’ Taylor-Johnson fait valoir son titre honorifique, tout semble si insignifiant que ça en deviendrait presque grotesque.
L’atout dans la manche de la production réside bien entendu dans le mythe. La légende de Godzilla n’étant plus à faire, il s’agissait alors d’assurer le spectacle. En ce sens, Gareth Edwards était sans doute l’homme qu’il faillait. Donnant une certaine personnalité à ses nombreux plans de destruction et de chaos, le metteur en scène fût, à quelques occasions, fort inspiré, notamment lors de la très belle séquence de parachutage, fumigènes rouges à l’appui. Le design, l’esthétisme de ce nouveau cru est sans doute la force première d’un film, sur le papier, parfaitement dispensable. Si tout n’est pas parfait, avouons pourtant que notre soif de voir des villes et aéroport démolies sous les assauts de monstres aux proportions dantesques est bel et bien le seul motif pour essayer de captiver durant les deux heures que durent le film.
Je ne parlerais pour ainsi dire pas de déception, n’ayant rien attendu, très franchement, de ce nouveau Godzilla. Le film est parfois indigeste, les comédiens n’y font que de la figuration, mais le résultat n’est pas foncièrement catastrophique, du moins sur le plan artistique. Pour autant, ayant bien apprécié Monsters, le précédent et premier film de Gareth Edwards, j’aurais espéré mieux de la part du réalisateur. Celui-ci a certes réussi à insuffler ces inspirations au long métrage, mais sous le joug d’un studio omniprésent et décideur, il ne sera parvenu qu’à rendre une copie sur commande, sans aucune autre inspiration que celles dictées par le maître d’œuvre. Tout le monde y gagne, à l’exception d’une bonne partie du public. Mais de ça, nous sommes habitués. 07/20