Merci, Mr. Edwards. Dommage qu'il me faille patienter jusqu'aux rattrapages pour briller en Droit international public, mais merci. Grâce à vous, quand viendra le moment d'évoquer l'affaire des essais nucléaires, portée devant la Cour internationale de justice en 1974, ma réponse fera l'effet d'une bombe : "Et biiim, de Gaulle et Pompidou savaient pour Godzilla ! S'ont pas balancé dans l'océan pour le plaisir !" Alors, j'enchaînerai sur le projet Monarch (MK Ultra), Mr. Edwards. Sur le débunkage des clips de Lady Gaga et de Beyoncé, disons des vidéos de "Bad Romance" et de "Sweet Dreams". Sur une analyse de Fringe, cette série géniale, ce régal des amateurs de Conspi. Oh, j'espère que mon professeur ne me demandera pas de lier les deux, Mr. Edwards, parce que je cherche encore : le plus célèbre des kaijū aurait-il un faible pour le LSD ? La CIA aurait-elle le bras si long ? Cracher et vomir de la matière luminescente me semble effectivement louche et psyché. Je cherche encore parce que, les théories du complot, je n'y touche plus trop, vous savez. Enfin, je parlerai du monolithe noir de 2001, dont j'ai senti la présence, dont j'ai entendu l'appel, le sublime requiem pour mezzo, mezzo soprano, deux chœurs mixtes et orchestre de György Ligeti : bien ouéj, sur ce coup-là, M. Desplat. Tant que votre bande-son compte une bonne piste, qu'importe que vous l'ayez composée, hein.
Trêve de plaisanterie, j'ai l'impression d'avoir perdu deux heures. Pas les premières minutes, pas celles du beau générique ni celles de la découverte des ossements, pompée sur Prometheus. Juste les deux heures qui suivent, à regarder des acteurs... traumatisés par la projection prétournage du Godzilla de Roland Emmerich ? Peut-être. À regarder des acteurs moins expressifs que (Kristen Stewart)², ni véritablement stupéfaits, ni véritablement effrayés, ni véritablement désemparés ; des acteurs faussement perdus, sauf lorsqu'ils peinent à trouver la ligne d'horizon en plein studio. Mention spéciale à random-petite-fille et à random-chauffeur-de-bus, même si la palme revient à Ellie, la troisième sœur Olsen qui n'a pas lésiné sur le sérum physiologique -ne simule pas des larmes qui veut. Pourtant, figurent au casting des noms pas si désagréables à prononcer qu'Aaron Taylor-Johnson : Sally Hawkins, Bryan Cranston ou Juliette Binoche, à l'écran le temps d'un petit coucou radioactif.
Bons acteurs, mauvais acteurs : de toute façon, ils n'ont rien à se mettre sous la dent. Je n'attendais ni répliques en alexandrins à rimes croisées, ni pseudo-complexité nolanienne ; j'attendais qu'il se passe quelque chose. N'importe quoi, mais quelque chose. Non, pas n'importe quoi, mais quelque chose d'autre que du transport aérien, maritime et terrestre, dont piéton, d'ogives nucléaires, qui se partagent la pellicule avec des personnages au regard vitreux qu'elles ne servent même pas à vitrifier. Gareth Edwards ne commet à mon sens pas tant d'erreurs, mais l'une d'elles suffit à tout couler : m'endormir avec un scénario chiant à mourir, d'autant plus stupide qu'employant un ton très sérieux, quand Pacific Rim et son second degré m'électrisaient. Qui se soucie du destin d'ogives nucléaires et de personnages au regard vitreux ? Seul Godzilla suscite l'empathie, un Godzilla auquel il ne reste que bien peu de pellicule : louable démarche que de retarder son apparition, mais démarche qui plonge finalement le film dans une latence insupportable.
Gareth Edwards ne commet pas tant d'erreurs. Je lui accorde quelques bons points, quasiment tous récoltés dans le dernier quart de son quasi-navet moralisateur : un monstre kawaii qui garde son aspect carton-pâte, une maîtrise impressionnante des effets spéciaux numériques et des effets sonores, des immeubles qui s'effondrent majoritairement hors-champ ou lors de batailles très lisibles, une mise en scène qui privilégie les jeux d'ombre et... des plans somptueux, que n'affectent pas une photographie parfois trop sombre. Des plans comme ceux du pont ferroviaire et du pont de San Francisco ; comme ceux, surtout, du saut en parachute, sublimés par la musique de Ligeti : tous ceux-là sont bluffants. Quel intérêt, à ce stade ? La tension ne monte plus, après une heure trente passée à somnoler. Un point, aussi, pour une armée américaine absolument incompétente, composée de vraies brêles -s'agissant d'un blockbuster, évidemment.