Le teen movie est déjà en soi un genre déprimant, à la fois par la description des préoccupations pubères essentielles vues par les scénaristes hollywoodiens (devenir la prom queen, perdre son pucelage sur la banquette arrière d'une Chevy 77, remporter le championnat des cheerleaders) et par la niaiserie inhérente à la pensée positive de rigueur, et au regard de la nostalgie que ces mêmes scénaristes portent sur leur propre adolescence.
C'est d'ailleurs ce dernier trait qui explique la genèse de "Young Adult", comme le raconte Diablo Cody, la scénariste révélée grâce à "Juno" et "Jennifer's body': "Lors d'une conférence de presse, on m'a demandé pourquoi j'étais obsédée par les adolescents, et je me suis posé alors la question : suis-je un retard de croissance ? Et comme je pensais à ma propre vie, je me suis dit : Mon Dieu, ce serait une femme trentenaire, qui écrit des fictions pour jeunes adultes et s'accroche à ses fantasmes d'adolescente dans sa vie réelle, et est obsédée par la volonté de revivre son adolescence contre vents et marées."
Au vu du résultat, voilà bien une fausse bonne idée. Le traitement infligé au teen movie par Diablo Cody dans ses deux scripts précédents était guidé par une idée forte qui portait en elle une dimension parodique : le décalage de maturité de l'héroïne de "Juno" avec son environnement, et la métaphore de la croqueuse d'hommes poussée à son paroxysme dans "Jennifer's body". Ici, la confrontation d'une adulescente nostalgique avec un univers de ses années collège qui, lui, n'a pas gelé sa croissance, ne suffit pas à insuffler une âme au film, loin de là.
Au contraire, elle assèche la dimension humoristique associée au genre, sans pour autant rendre crédible la tentative de donner au film un aspect dramatique ; n'est pas Gus Van Sant qui veut... Les éléments propres au teen movie sont traités sans retournement et tombent à plat, comme la relation entre l'ex-future reine du bal et le petit gros, nerd de surcroît, qu'il définit lui même ainsi : "Les mecs comme moi viennent au monde en aimant les filles comme toi". Dans sa volonté d'exorciser son adolescence, Diablo Cody n'épargne rien à son héroïne, qu'on voit se réveiller dans son lit après une nuit de beuverie, flottant dans t-shirt Hello Kitty et se damandant qui peut bien être l'homme qui ronfle à côté d'elle, jusqu'à la scène qui fait basculer le film du pathétique au grotesque où devant toute la communauté rassemblée, elle vomit son dégoût et sa rancoeur devant la normalité de leurs petites vies.
Jason Reitman, qu'on a connu plus inspiré, notamment dans la description de métiers odieux (lobbyiste pour l'industrie du tabac, annonceur de licenciements) semble avoir perdu son sens de la nuance et de la dérision, et la volonté de montrer le déni de réalité de Mavis conduit à des scènes lourdingues, comme celle où elle tient à dédicacer de force le livre dont elle n'est même pas l'auteure officielle dans une librairie qui brade son stock.
Le seul élément qui donne un peu de corps à cette antiromance dépressive, et ce n'est pas négligeable, c'est le jeu de Charlize Theron qui réussit, dans les scènes où elle tente de séduire Buddy, à jouer de toute la palette de ses indéniables charmes, tout en y introduisant subtilement une note de désespoir et de malédiction. Dans son personnage de chipie attardée, elle pousse lojn la méchanceté pitoyable, tout en parvenant à laisser un peu de place à l'empathie pour cette pauvre fille. Mais cette performance de l'héroïne de "Monster" ne suffit pas à sauver "Young Adult" de l'ennui, pire, du désintérêt qui s'installe progressivement devant la convention des situations et des personnages, loin, très loin de l'ambition affichée par Diablo Cody et Jason Bateman.
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