Du Cherry Coke au réveil, de la bière en guise de déjeuner, une aventure d'un soir pour passer le temps. Non, on ne parle pas du pochtron du coin, mais de Mavis Gary, l'ex prom queen désabusée. Bientôt quarantenaire, et pourtant, la jeune femme écrit des histoires pour ados et repense à son amour lycéen avec dépit. Comme si vingt années de sa vie avaient filé en l'espace d'une nuit, la sortant de son lit un matin en lui soufflant cette simple question : Qui suis-je devenue ?
Un mariage avorté, des promesses non tenues, et une beautée essoufflée, sur le point de se fâner, telle une fleur autrefois resplendissante, bercée de coquelicots, et à présent seule au cœur de son champ... désenchanté. Le jour où elle apprend que son petit ami de l'époque, son "âme sœur", vient d'être père, c'en est trop : elle plie ses bagages et décide de faire un bond dans le temps à la recherche d'un passé idéalisé, pour reconquérir ce qui lui est due. Elle s'enferme alors dans sa bulle nineties, compil à fond la caisse dans la voiture, sweat-shirt démodé et anecdotes ringardes.
Sûre d'elle, elle met le paquet : coiffures parfaites, tenues éblouissantes, et sourire ravageur. Cependant, son retour n'a pas l'effet escompté, et la confiance apparente, la beauté impérissable, se meut en triste désillusion. De ses tenues à sa voiture, l'éclat n'est plus le même qu'autrefois, et la déchéance empiète sans cesse un peu plus sur ce désir de reconquête. À Mercury, sa ville natale, personne n'a oublié Mavis : Dans le temps idôlatrée par les jeunes filles, fantasmée par les jeunes hommes, elle est passée de la fille qui se promenait avec un miroir en forme de cœur à la fille qui n'a jamais grandie. De la haine à la pitié, de l'admiration à l'illusion, les gens voient en elle ce qu'ils veulent y voir. Certains continuent de la considérer comme une légende, d'autres voient en elle le reflet de la décadence, le symbole de l'échec cuisant.
Mais peu importe, Mavis n'est pas revenue pour les autres, même si elle en doute, elle est revenue pour elle. Pour écrire ce chapitre qui lui tient tellement à cœur, plus qu'elle ne l'aurait jamais pensée, celui qui concerne son ancienne vie, celle où elle était au sommet, dans cette ville modeste qui l'admirait. Epaulée par Matt Freehauf (Patton Oswalt), ce garçon auquel elle n'avait jamais prêtée attention, si ce n'est pour balancer quelques moqueries, elle se redécouvrira. Soirées dans les bars du coin, promenades dans le stade du lycée, ces deux personnages, liés par ce même frein, celui du passé, s'aperçevront que ce qui importe vraiment ce n'est pas qui ils étaient, mais qui ils sont.
Quant à Buddy Slade (Patrick Wilson), au plus elle essaiera de lui montrer ce qu'il a raté, au plus elle découvrira de choses sur elle-même. Comme si ce retour en arrière n'était qu'un rêve, et qu'une fois derrière elle, elle pourrait se réveiller et reprendre sa vie au bon embranchement. Le film se révèle donc comme une visite nostalgique dans une chambre d'adolescente : drôle, insouciante, provocatrice et tendrement douloureuse. Ce personnage atypique, incarnée par une somptueuse Charlize Theron, respire de masculinité, de maladresse, de cynisme, et reste pourtant si attachant, si humain, si doux. Rarement les pages n'auront été tournées avec autant de charme et de naturel. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, rien n'est superficiel, rien n'est facile, rien n'est écrit d'avance : À nous de trouver l'encre qui correspond le mieux à nos envies et à nos attentes, encore faut-il savoir ce qu'elles sont...
Jason Reitman berce donc son œuvre de nostalgie, d'humour, de souplesse, et d'humanisme, pour mettre en scène une femme qu'on adore et dont le voyage physique et émotionnel nous marque forcémment...
...She wears denim wherever she goes...