Waw... !!!
Dino Risi ("La marche sur Rome", c'est lui !!!) signait (et soignait !) en 1975 une admirable et inmanquable comédie dramatique. Avec son sens inégalé du coup de poing (scénique, bien entendu), il nous sert, à travers une mise en scène carrée et minutieuse (réglée au millimètre près) le portrait d'une Italie désenchantée. Le tout sur un montage certes frénétique mais drôlement calme. Dino nous apporte ainsi la dimension de la société italienne des 70's de part une ingéniosité du montage, mais aussi grâce à la personnification des villes que traversent les personnages. A travers sa mise en scène, on sent très bien que Gênes, Rome et Naples n'ont pas la même atmosphère, brillament dépeinte par un souffle (épique) différent, et des angles de vue constamment sur le qui-vive.
Pour revenir sur l'Italie désenchantée, le scénario est manié de main de maître pour arriver à nous transmettre ce que ressent le peuple italien. Afin d'arriver à leurs fins, Ruggero Maccari (il a fait "La marche sur Rome" et "Les monstres" pour Risi, "Donatella" pour Mario Monicelli, "Une journée particulière" d'Ettore Scola, et tant d'autres !) et Dino Risi (les scénaristes) posent leurs regards sur chacun des personnages pour nous transmettre non seulement les émotions de tous, mais aussi l'animosité qui vit en chacun d'eux. De plus, Ruggero et Dino appuient sans vergogne sur le mal du pays, à savoir l'industrialisation, vue d'un mauvais oeil par tous les personnages du film. Retraçant avec vigueur et réalisme le doute de la société transalpine des années 1970 (des deux côtés : les ruraux et les métropolitains), les deux scénaristes arrivent à leurs fins (ou pas, d'ailleurs) quant à la chute du film.
Mise en scène et scénario appuyés eux-aussi sans fard par une musique complètement mirobolante qui donne le tonus élégant et raffiné de "Parfum de femmes". La bande-son que nous offre Armando Trovajoli (compositeur sur "La paysanne aux pieds nus" de De Sica, "Boccace 70" avec Romy, "Sexe fou", encore de Risi, "Le dîner" de Scola, ...), digne des plus grands, sonne agréablement juste à nos oreilles, nous offrant ainsi des émotions languissantes, énergisantes et mélancoliques. J'en reprendrais encore bien volontiers, Armando !
Eh oui, il fallait bien y arriver, parlons maintenant du casting. Vittorio Gassman (déjà vu dans le célébrissime "Riz amer" de De Santis (fallait-il le rappeler ?), "Le fanfaron" déjà de Risi, "La marche sur Rome"...), impérial, en impose, porte le film sur ses épaules avec une grâce indomptable et dont la virilité cache sa fragilité. Avec une finesse incomparable, il est le fauve qui, de par une démesure aussi frivole qu'instantanée, partage toute sa monstruosité. Ici, Gassman ne campe ni un personnage et n'est non plus habité par son rôle. Il interprète avec une rage inmensurable un homme qui arrive à sentir le parfum des femmes. Une interprétation enivrante aussi, dans les deux sens. Il est comme son whisky, impardonnable, tout comme électrique, tel un lion en cage. Vittorio est magique, et ce, pour notre grand bonheur d'un côté que pour Dino Risi de l'autre. A ses côtés, on ne retiendra QUE Alessandro Momo, véritable acteur du moment, qui arrive à s'imposer face au géant Gassman, et qui décèdera juste avant la sortie de "Parfum de femmes" à même pas 21 ans. Un rôle véritablement convaincant donc, et qui s'inscrit pour moi, dans la lignée des James Dean, Ledger et consorts.
La troupe toute entière est finalement servie par des dialogues qui entremêlent mélo, drame et pathos, avec par endroits, des poncifs d'humour. Revigorants, ils maintiennent l'ambiance générale du film qui ne tombe jamais dans le prêchi-prêcha fort heureusement, et ce, grâce au savoir-faire de Dino Risi sans aucun doute.
Basée sur l'oeuvre originale de Giovanni Arpino, "Parfum de femmes" se distingue de par les caractéristiques décrites ci-dessus impossibles à conclure en un mot. De fait, je ne saurais dire si ce film est un chef d'oeuvre ou un film culte tant on est la mi-chemin entre la définition de ces deux termes.
Tout d'abord, je précise que le regretté Vittorio Gassman reçut le Prix de l'interprétation masculine à Cannes en 1975 (très bien mérité) et Dino Risi, le César du meilleur film étranger (1976).
Pour conclure, "Parfum de femme" est un pur joyau qui se délecte avec beaucoup de plaisir.
Eh Vittorio, tu l'as rangé où, le scotch ?
C'est le premier Dino Risi que je vois, et ce ne sera pas le dernier.
PS : "Parfum de femmes" sera adapté par Martin Brest ("Le flic de Beverly Hills") l'américain en 1992 sous le doux nom "Le temps d'un week end" (vu, pour ma part, avant le film de 1974) avec Pacino dans le rôle titre. Et dieu sait que j'ai préféré la version de Risi à celle de Martin. Pourquoi ? Grâce à l'interprétation de Gassman (dans un premier temps) sans aucun doute, qui ne fait pas dans le chi-chi. Et pourtant Al Pacino crève l'écran dans "Le temps d'un week end". Il s'agit pour moi de deux interprétations différentes. D'un côté il y a l'américaine (de l'Actor's studios, que j'adore. Merci encore Monsieur Laughton), et de l'autre, l'italienne, celle de la comédie à l'italienne, et où Gassman m'a envoûté. Il y ensuite la réalisation, le tact, la fermeté de Risi (en tant que metteur en scène et scénariste) que n'a pas eu Martin pour son remake. En d'autres termes, il y a la version originale dans toute sa splendeur (merci Vittorio), et sa copie à l'américaine, où Pacino sauve ce qui peut. Deux films pour une opinion, voilà, c'est tranché. Fausto a parlé.