Dans son premier long-métrage, Cyril Mennegun a choisi de dépeindre le quotidien d'une femme qui dort dans sa voiture, en attendant qu'on lui attribue l'appartement qu'elle réclame depuis plusieurs mois aux services sociaux. Elle gagne sa vie comme femme de ménage à mi-temps dans un hôtel, et voit peu d'amis. Le film aurait facilement pu tomber tomber dans l'écueil du pathos ou du misérabilisme. Cependant, c'est avec habilité que le réalisateur dessine un personnage réaliste, magistralement interprété par Corinne Masiero, véritable révélation au jeu brut et authentique. On est témoin des combines auxquelles elle a recours afin de continuer à vivre : voler l'essence des camions, utiliser les douches sur son lieu de travail... Le film est toutefois empreint d'une certaine mélancolie, d'une poésie qui transparaît souvent dans les expressions de l'actrice. Quand sa voiture refuse de démarrer, on la sent immédiatement en détresse. Quand elle déjeune avec sa fille, on voit la honte qu'elle tente de dissimuler. Quand elle sourit, même si c'est rarement, on se surprendà être heureux pour elle. On devine son besoin d'affection, son désespoir de s'en sortir un jour. Le personnage, simple en apparence, cache en réalité une psychologie complexe se qui révèle à mesure que se déroule le scénario.
La mise en scène est quant à elle remarquable, soulignant l'enfermement du personnage qui ne semble pas trouver d'issue à sa situation : le rétroviseur permet de sur-cadrer le regard de Louise chaque fois qu'elle conduit son véhicule, et lorsqu'elle démarre sa voiture, c'est toujours la même chanson de Nina Simone qui débute; ce leitmotiv structure le film par la répétition. C'est une métaphore de l'impossible changement, de l'inévitable retour du même, mais c'est aussi ce contre quoi le personnage se bat. Comme dans cette scène de transe, l'une des plus réussie du film, où Louise Wimmer danse frénétiquement sur une colline qui surplombe la ville. Elle finit par arracher l'auto-radio et par le lancer au loin, comme si ce geste pouvait la libérer, et lui donner la possibilité de commencer une nouvelle vie, celle qu'elle recherche depuis si longtemps et vers laquelle le film s'achemine peu à peu en relatant son combat.
Cyril Mennegun s'affirme donc comme un cinéaste prometteur, tant au niveau de ce qu'il veut dire que de la manière dont il le filme, mais également pour avoir su révéler à l'écran le talent d'une comédienne dont on entendra sûrement reparler.