Les précaires, les travailleurs pauvres, on les croise tout le temps et on ne les voit pas….
Le film de Cyril Mennegun, « Louise Wimmer » a d’abord cette qualité : faire voir, obliger même à voir ce que l’on ne veut pas voir… Car il s’agit d’abord d’orienter les regards !
Et c’est un TRÈS GRAND FILM à tous points de vue…
Le scénario d’abord, sobre et sans pathos. Les plans ensuite, caméra à l’épaule, focalisant les visages… Le drame set soutenu aussi par le choix musical. Nina Simone la grande révoltée interprétant « Sinner man » (« Oh ! pêcheur où cours-tu tout au long de la journée? S’il te plait cache-moi, Seigneur, Je cours au rocher, tout au long d’la journée. (…) Le Seigneur a dit, vas au Diable, toute la journée… »)… Et cette chanson joue le rôle du coryphée, soulignant et amplifiant le désastre de la « guimbarde » dortoir qui rechigne à démarrer…
Et puis la grandiose tragédienne Corrinne Masiero qui campe avec force, générosité et cœur Louise Wimmer … Sublime ce rôle servant personnage dansant sur la corde raide toujours à la limite de la séduction et de la répulsion… Elle vitupère, râle, ne baisse pas les yeux et n’éclate de rire que lorsqu’elle est ivre ! Elle use de tous les « trucs » pour maintenir le « paraître » si nécessaire dans ce monde de faux-semblants. Une grande dame !
On le sait, aujourd’hui d’un coup tout peut basculer. Voir cette pauvre femme scruter dans le miroir ou le rétroviseur son visage désemparé et fatigué. Poignant!
Le sujet est tellement brûlant, tellement présent, qu’il ne peut qu’emporter l’adhésion de toute la cohorte des faux-culs, des grenouilles de bénitiers ou des crapauds encartés… Ceux qui confieront après avoir encensé le film sur Allociné ou ailleurs : « oui mais comment cette femme en est-elle arrivé là? Pourquoi son mari et ses enfants l’ont quitté? Sous-entendu : sa situation est inhumaine, certes, mais ne l’a-t-elle pas cherché ??? N’en est-elle pas responsable ??? »
Conclusion issue du palencéphale « Vraiment on ne peut rien pour ces gens-là ! »
Ces saloperies de remarques insidieuses, ces raisonnements à la con, qui justifient le retour inévitable vers la cécité du cœur…
En d’autres termes, aussi bon soit-il, un film n’éveille les consciences que modérément, très… Un soufflet qui retombe très vite. Et je le dis parce que je le constate… Les travailleurs à la rue sont de plus en plus nombreux et aussi de plus en plus jeunes… Les vieux dans cette situation crèvent très vite… Sous vos yeux, messieurs, mesdames qui avez tant apprécié « Louise Wimmer »…
Bientôt on nous dira que c’est la loi naturelle !
Que les forts gagnent du fric naturellement et que les faibles triment sans disposer du minimum vital…
Et les travailleurs dormiront dans la rue… Comme en Grèce !
Les « riches » iront verser quelques larmes en retournant voir « Louise Wimmer » dans un ciné-club… Ou boufferont leurs crackers, boiront leur bibine, en le regardant sur leur écran plat gigantesque…
Ainsi va la mort !