Très peu de fois, un film va dans la direction espérée. C'est le cas de Louise Wimmer qui depuis une semaine enchante les salles françaises. Sans jamais tomber dans la représentation facile de la misère, le film de Cyril Mennegun propose un nouveau point de vue sur la précarité et sur les rapports sociaux.
Fort, humain, nécessaire, le film est soutenu par un scénario raffiné, riche de non-dits et de coups de finesses. Mais un bon scénario ne fait pas forcément un bon film, et pour incarner cette magnifique histoire, Mennegun a découvert une actrice formidable: Corinne Masiero.
Une femme de presque 50 ans se trouve dans une situation de haute précarité et les aides sociales n'arrivent pas très vite. Le jour elle est femme de ménage, la nuit elle suce l'essence des camions pour pouvoir se déplacer en voiture (qui fait aussi office de maison). Louise Wimmer est un film sur la dignité humaine, sur le refus de l'autre quand il profite de toi. Le personnage principal se déplace entre sympathie et antipathie dans en état de finissement éternel. Pour elle, tout se termine: le montage participe à son sentiment d'achèvement en commençant souvent une scène là où le personnage termine une action. Le spectateur assiste à la fin d'un dialogue entre Louise et l'assistante sociale, à la fin d'un repas ou à la fin de la réparation d'un moteur d'automobile. Tout se termine, mais ces fins donnent le "la" à des nouveaux débuts, à des nouvelles séquences pleines d'espoir.
Impossible de ne pas s'arrêter sur les dialogues. Dans Louise Wimmer, tout passe par la suggestion et aucun dialogue est démonstratif. Louise embrasse un homme dans un bar, y danse avec et la voir bouger dans ses bras entre un "embrasse-moi fort" et un "fort comme ça?", ne peut pas nous faire penser qu'à une grande amitié existante depuis longtemps, bien avant que le film commence. Ainsi, Mennegun décrit parfaitement ses personnages et des répliques courtes nous racontent des rapports complexes. Les personnages sont bien décrits dans leur différences. Le film est très riche de personnages qui se juxtaposent. Si Louise refuse par dignité les hommes qui la désirent sexuellement ("je reste pauvre plutôt que pute"), sa collègue se laisse séduire par le chef de l'entreprise de ménage. Des petits moments, des entre-vues peu approfondis deviennent dans l'ensemble un beau jeu d'antinomies.
L'usage massif de gros plan donne au film un aspect labyrinthique qui permet au spectateur de ne pas avoir des références géographiques de l'espace filmique (Louise est toujours dans la rue, errante), et de se sentir transporté dans les méandres de la conscience du personnage et, comme elle, d'essayer aussi de trouver une solution.
Louise Wimmer est un film qui va au-delà du simple film social et qui offre avant-tout une solution éthique aux rapports sociaux de plus en plus détériorés. Cyril Mennegun s'inscrit avec ce premier film aux côtés de grands réalisateurs comme Andrea Arnold ou les frères Dardenne. Gardons les yeux bien ouverts sur ce cinéaste, car l'on murmure que dans un ans il tournera un nouveau long-métrage de fiction, cette fois sur la schizophrénie.
Filippo Demarchi