Presque la cinquantaine, Louise Wimmer survit depuis plusieurs mois dans une ville de l’est de la France, dormant dans sa voiture, assurant de son mieux un relatif honneur hygiénique et vestimentaire, intolérablement dépendante d’un arrogant patron d’hôtel où elle fait des ménages et de la petite humeur d’une fonctionnaire du Logement. Palliant chaque jour la noyade grâce à ses vagues alliés sociaux, de menus larcins, le jazz de son autoradio et son camarade de sexe, son portrait intimiste dévoile graduellement son passé, son désabusement familial, affectif et matériel, et suppose habilement les épisodes récents de son inexorable dégringolade.
Véritable enseignement de l’épuisante lutte de chaque jour, de la pression constante, du cercle vicieux de l’acharnement des échecs et des complications lourdes et accablantes de chaque détail, ce film dénonce d’abord un monde précaire et précarisant. En parallèle leçon d’humanité, il montre aussi que pour peu qu’on soit moins marchand et individualiste, un détail ou un effort anodin suffit parfois à provoquer drame et douleur, ou au contraire à illuminer facilement un ciel qui en a un besoin vital.
Il choisit l’humanisation du sujet par la pente sobre, confidentielle et attachante d’une héroïne peu préparée à ce destin. Le portrait poignant de son aventure personnelle fait briller son formidable courage, sa fierté, ses vertus et son cap, autant que son basculement harassé dans le vide progressif, l’abrutissement compensatoire et la possible chute dans le désespoir.
Impossible de ne pas terminer en consacrant au moins un paragraphe à Corinne Masiero, qui porte ce film et se révèle juste gigantesque. Dans la froideur dure, l’usure, le défouloir, le craquage, la rage face à l’injustice et à l’imbécilité, dans cette solidité lasse et ses sentiments subtils, tangibles sans le moindre geste inutile, dans le bonheur respirable dès la plus petite bonne nouvelle, dans la force fière de faire encore bonne figure (cf la bouleversante scène avec sa fille), dans ses faiblesses expressives, dans le sens du respect et du juste, dans le visage beau et fragile, à la fois sec et tanné de fatigue, de détresse et de pauvreté.