Voilà qu’un réalisateur français sonde au plus profond l’âme de l’Amérique défavorisée. Oui, Michel Gondry, formidable cinéaste qu’il est, n’as pu s’empêcher d’illustrer un propos tenant de l’anecdote sociale en filmant une jeunesse New-Yorkaise en route pour les vacances scolaires. A ce titre, the We and the I fait figure de Teen Movie le plus sincère de tous les temps, le plus proche d’une réalité refoulée par l’image d’une Amérique luxuriante et de ses bataillons d’étudiants universitaires plein aux as et dont la seule ambition est la chasse à la minette. Bref, le film de Gondry est l’antithèse d’American Pie et autres breloques comiques qui n’illustrent que de belles et innocentes jeunes vies alors encore hors du système capitaliste américain. Ici, il s’agit d’une plongée dans les rues du Bronx, dans les bas-fonds de la plus emblématiques des métropoles de notre temps.
Les gosses sont grossiers, lookés pas l’un pareil que l’autre, les tensions montent et redescendent à mesure que le bus transportant cette jeunesse s’approche des diverses destinations. Certains sont les fauteurs de troubles, certaines sont les attractions des garçons, d’autres sont discrets, souffre-douleur ou indifférents au comportement de leurs compagnons. Tout le monde s’entrechoque, souffre, ri, s’émerveille d’amitié, se bouscule, s’amuse. Les préoccupations de chacun touchent parfois d’autres passagers du bus, les conflits naissent, les amitiés aussi. Gondry dissèque la jeunesse sous avenir des quartiers reculés de New-York en ne jugeant pas, en ne prenant parti pour personne, laissant s’exprimer les gamins dont il s’en entouré depuis trois ans.
Tous les interprètes sont non professionnels, et si l’on ressent parfois l’impression qu’ils récitent un texte appris sur le bout du pouce, ils peuvent aussi laisser quelques fois libre court à leurs personnalités multiples. Il va de soi que le film doit être vu en version originale, le doublage français étant qui plus est catastrophique. Oui, la force de The We and the I étant son immersion, difficile de juger en VF. Filmer en quasi intégralité dans le bus, véritable véhicule et chauffeuse des transports publics New-Yorkais, le film délivre également une très belle brochette d’images de la rue, de l’activité incessante de cette gigantesque et oppressante fourmilière humaine qu’est la Grosse pomme. Gondry ne se contente pas de filmer la jeunesse, il développe aussi l’attirail texto, réseaux sociaux et illustre son propos en mettant en lumière un personnage annexe qui tout le monde connaît et de qui viendra une nouvelle choquante à la vocation de rappeler à tout le monde ou chacun vit.
La jeunesse est innocente malgré sa grossièreté, son non-respect palpable de son prochain, sa propension à la frime et aux actes délirants. Oui, si Gondry filme une jeunesse dépourvue de certaines valeurs, je me suis senti touché par certains des personnages, aux comportements souvent très proches malgré le choc des cultures, que j’ai pu connaître. Le film démontre par ailleurs que la jeunesse indépendante et mal vue est la même dans tout l’occident, en Europe comme en Amérique. Un film anecdotique qui prend des allures de satyre sociale rudement bien construite, très sincère et proche d’une réalité que tous pouvons saisir. Beaucoup n’y trouveront qu’un brassement d’air, moi, j’y ai trouvé l’œuvre d’un génie créatif qui sait s’attarder comme il se doit sur les petites choses pour les faire exploser sur les écrans. 16/20