Après Piaf et Gainsbourg, c’est au tour de Claude François d’avoir droit à son biopic. Et, malgré un sort tragique, il n’était pas forcément évident de réussir à intéresser le public à la vie d’un chanteur qui a surtout laissé le souvenir d’un sautillant blond décoloré en costume à paillettes. Pourtant, la vie de Cloclo est un véritable roman et on pouvait compter sur les fils du chanteur, actuels gardiens du temple, pour concocter un film à sa gloire. Mais, et c’est la première surprise de "Cloclo", le scénario ne s’avère pas particulièrement flatteur pour le chanteur et met en avant ses défauts même s’il prend toujours soin de désamorcer la critique (sa jalousie possessive s’explique par ses complexes physiques, son perfectionnisme maladif trouve ses origines dans le mépris de son père, sa dureté envers ses collaborateurs s’accompagne d’une vie dorée et de cadeaux…). On pourra toujours reprocher au film de ne pas être un portrait une charge mais j’avoue avoir préféré ce portrait nuancé qui n’hésite pas à égratigner l’idole (voir la façon dont il traite France Gaal ou les scènes où il cache son propre fils). Autre bonne surprise, la présence du très doué Florent Emilio-Siri sur le siège du réalisateur. Sa mise en scène, bien que relativement sage, s’avère d’une redoutable efficacité (rythmée, il faut le dire, par les tubes du chanteur… ce qui aide pour peu qu’on ne fasse pas partie des réfractaires) et brille par son sérieux apporté à la reconstitution des différentes époques traversées (de l’Egypte des années 50 à la France giscardienne des années 70). Le réalisateur réussit également à sidérer le spectateur lorsqu’il aborde la relation du chanteur avec ses fans (qui dorment dans son escalier, qui l’attendent devant son bureau, qui l’embrassent pendant qu’il conduit…) et nous offrent même quelques grands moments de cinéma (le "My way" final comme aboutissement d’une carrière). Mais ce qu’on retiendra de ce Cloclo, c’est bien évidemment la prestation de Jérémie Rénier, époustouflant voir troublant de ressemblance. Sans aller jusqu’à mérité incontestablement le César (sa voix le trahit et aurait pu être davantage travaillée), l’acteur nous livre une prestation physique éblouissante qui devrait enfin lui offrir une notoriété plus importante. Et, une fois n’est pas coutume, cette prestation n’écrase pas ses partenaires puisque le reste du casting est tout à fait épatant avec un Benoit Magimel méconnaissable en Paul Lederman, Monica Scattini en mère du chanteur, Sabrina Seyvecou en sœur, Ana Girardot en épouse, Joséphine Japy en France Gaal ou encore Marc Babe en père intransigeant. Quelques regrets néanmoins avec de petites maladresse (certaines chansons auraient pu être partiellement coupées, la danse de Cloclo au concert d’Aretha Franklin n’était pas indispensable, les images d’archives de Claude François où le visage de Jérémie Rénier est parfois incrusté…) et, choix scénaristique inhérents au biopic obligent, l’absence de certains moments clés (l’attentat de l’Ira, les émissions des Carpentier…) et autres personnages importants de la carrière du chanteur (Guy Lux, Michel Drucker, Michel Sardou…). Pour le reste, ce "Cloclo" restera comme un film incontestablement réussi qui pourra d’ailleurs intéresser les réfractaires à l’univers du chanteur et faire découvrir le chanteur à une nouvelle génération. Pour le autres, ils se délecteront de cette vague de nostalgie réalisée et interprétée avec brio.