Je m'étais toujours dit que si un jour un biopic sur Claude François voyait le jour, il faudrait absolument choisir Jérémie Renier pour l'incarner.
Ma surprise a été grande de voir cette idée réalisée !
Déjà, il faut préciser une chose : un biopic n'est jamais réservé aux fans de la personne dont il est question. A mon avis on peut le regarder comme un film classique, puisqu'il y a des acteurs, des décors, une histoire qui nous est racontée. Ceci pour dire qu'il n'est pas nécessaire d'être fan de l'artiste pour apprécier ce film (l'inverse étant possible aussi !).
J'ai aimé ce film et je suis allé le voir plusieurs fois, afin d'en profiter sur grand écran et d'en prendre plein les oreilles, plein les yeux, d'autant que certaines chansons, qui ont dû être remixées pour les besoins du film, sont très réussies.
Ce que j'ai apprécié dans ce film : je n'ai pas vu le temps passer, peut-être à cause du montage nerveux, qui illustre assez bien le train d'enfer que suivait Claude François au quotidien. Je trouve que Florent-Emilio Siri a vraiment réussi à nous raconter une histoire tout en dépeignant la vie du chanteur. On se demande toujours ce qui va se passer ensuite, jusqu'à la fin ; et là où le réalisateur a fait fort, c'est qu'on se laisse scotcher par la fin même si on la connaissait par coeur d'avance.
J'ai également apprécié le mélange des images d'archives avec les images tournées pour le film (surtout au début et à la fin, hélas pas plus). Un mélange tellement habile qu'il est parfois quasi impossible de distinguer images réelles et images de fiction. A mon avis cela est dû aux acteurs talentueux mais aussi à des choix artistiques très exigeants.
Le fait d'illustrer la vie du chanteur par certaines chansons me semble audacieux et réussi. En effet, les chansons choisies par Siri servent à raconter l'histoire de la vie de Cloclo ; je trouve cela bien plus intelligent que s'il avait tenu à inclure toutes les chansons les plus célèbres, et dans l'ordre. Là on se rapproche plus de la comédie musicale que du biopic d'un chanteur.
Que dire de l'interprétation de Jérémie Renier ? Ce comédien avait déjà fait ses preuves bien avant ce biopic, mais je pense que ce rôle restera marquant dans sa carrière. Je le trouve époustouflant, bluffant de justesse et de sincérité, et tout cela s'ajoute à son extraordinaire ressemblance avec Claude François, même s'il faut saluer un très bon travail côté maquillage. Je regrette beaucoup que Jérémie Renier n'ait pas décroché le César du meilleur acteur pour Cloclo. A mon sens il lui revenait, et je me demande s'il en aurait été autrement si le film avait "explosé" le box office...
N'oublions pas toute l'équipe de comédiens qui entourent l'acteur principal : je les trouve toutes et tous excellents, à commencer par Monica Scattini.
Par ailleurs, les costumes, les décors (les avenues parisiennes remplies de voitures d'époque, l'Olympia, le Royal Albert Hall...), le soin apporté à l'image... Je ne trouve rien à redire !
Côté technique, je trouve que le réalisateur a réussi quelques prouesses quant aux différents plans-séquences qui ponctuent le film. Les avez-vous remarqués ? Celui qui commence dans l'appartement du boulevard Exelmans pour se terminer dans les bureaux de Claude François est magnifique. Celui qui se déroule en voiture, de nuit, installe quelques minutes une ambiance de thriller.
Certains critiquent la narration linéaire du film. Mais il ne faut pas oublier qu'on est dans un biopic et que cette façon de raconter l'histoire est un peu imposée, sauf si le réalisateur mise tout sur de nombreux flashs back (comme dans "La Dame de fer"), au risque de nuire à la clarté de la narration.
Je trouve au contraire que Siri fait preuve d'une grande originalité et d'audace en se servant d'ellipses temporelles, certes parfois déstabilisantes quand on avance d'un coup de plusieurs années avant de passer un long moment sur une seule journée. C'est aussi vrai pour la scène de la salle de bain : on sent qu'il va se passer quelque chose ; le temps semble s'étirer dans cette scène et Siri a réussi à la tourner de façon personnelle, pudique et peu banale.
Je trouve que Florent-Emilio Siri a réussi son film car le spectateur ressent de l'empathie pour le personnage ; il arrive à s'identifier à lui, à ses émotions. Et pourtant, Claude François est présenté de façon réaliste et ses défauts ne sont pas censurés, bien au contraire.
Il faut aussi rendre justice à Tom Evers, chanteur imitateur de Claude François, qui a prêté sa voix sur toutes les chansons interprétées en public dans le film, puisqu'il était dans ce cas impossible d'utiliser les versions de Claude François. Il faut surtout souligner l'émouvante scène au Royal Albert Hall de Londres, où l'on dirait que le chanteur tire sa révérence sans le savoir, deux mois avant de mourir. La gestuelle de Jérémie Renier colle si superbement à la voix de Tom Evers qu'on a vraiment l'impression que c'est le comédien qui chante – et pourtant non !
Je regrette malgré tout plusieurs choses : les ellipses temporelles dont je parlais plus haut : si elles sont nécessaires, elles perturbent un peu la continuité de la narration. Les Clodettes ne sont pas assez mises en avant (malgré une première apparition vertigineuse sur la chanson "Reste") eu égard à leur importance dans la carrière de Cloclo. La fin me semble trop survolée : les images d'archives sont sous-exploitées ; on est pourtant dans un moment clé du film. Cela dit, la scène de l'accident domestique est très belle, très pudique, et celle de l'enterrement émouvante et sobre, accompagnée de la musique originale d'Alexandre Desplat.
Cela n'empêche pas de ressortir de la salle la tête pleine de chansons, avec l'impression persistante que Claude François est ressuscité le temps du film. Bref, qu'on soit fan ou non du chanteur, je trouve que "Cloclo" est une belle prouesse, un film beau, réussi et prenant. Je regrette que malgré un très bon bouche à oreille, le film n'ait pas attiré plus de monde dans les salles. Il en vaut pourtant la peine !